De rêve et de symbole

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De notre envoyé spécial Slimane Laouari

Le long de la route menant de l’aéroport de Tindouf vers les camps des réfugiés sahraouis, une interminable procession de camions venus d’Espagne rappelle ce double regard sur l’aide humanitaire. Si elle est toujours la bienvenue pour atténuer la douleur de populations au quotidien de plus en plus dur, elle met aussi le doigt sur une plaie dont la cicatrisation n’a pas encore dessiné les contours. L’exil est long dans le H’mada et il risque encore de durer. Un enfant sahraoui né dans la foulée tragique d’une marche verte de sinistre mémoire a aujourd’hui trente ans, enseignant dans des écoles de fortune ou représentant de son pays dans une capitale européenne, Madrid, par exemple, dont la bonne volonté visiblement n’efface pas tout à fait la mauvaise conscience d’il y a plus de trente ans quand fut consommée l’irresponsabilité de céder des territoires sahraouis à un royaume marocain qui n’en demandait pas tant puisqu’il s’ensuivit une offre de partage dans les règles à l’Algérie et la Mauritanie qui ont différemment pris la proposition. Mais l’Espagne a changé et le conflit sahraoui a évolué. Dans les camps d’aujourd’hui, on évoquée ce pays avec la générosité de cœur de ceux qui tournent la page sans la déchirer. Le volontarisme des gouvernements successifs pour l’aboutissement de la question sahraouie est moins apparent que la formidable débauche d’énergie des ONG espagnoles dont les limites de l’efficacité sont évidentes quand il s’agit de savoir où en est le grand rêve des premiers militants du Polisario. Pour revenir dans les camps où la canicule pointe déjà avec en prime d’enfer les premiers vents de sable, il n’est guère difficile de constater ce qui n’a pas changé. La même détermination dans le regard que les années d’exil n’ont pas émoussé, le même enthousiasme pour scruter une perspective que la conjoncture ramène une énième fois à portée de main. Et quand Mohamed Ould Salek, le ministre des Affaires étrangères passe une main évocatrice sur sa barbe blanchi, c’est autant pour suggérer la fin du cauchemar que pour rappeler qu’il avait vingt-cinq ans en 1975. La perspective, elle, peut venir du plan Backer plus que d’autres formules. D’abord, parce que dit-il, ce dernier est américain qui n’a ni sympathie particulière pour les Sahraouis ni envie inconsidérée de compromettre les intérêts us dans la région. Voilà l’atmosphère générale dans laquelle les Sahraouis attendant Mme Dlamini Zouma, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères. Pour rappeler ce qui précède cette visite, il faut rappeler que l’Afrique du Sud a solennellement reconnu la RASD en septembre dernier à un moment où ce genre de gestes n’est plus dans l’air du temps. Mais les motivations du pays de Mandela sont formulées avec autant de réalisme que de fermeté qu’on retrouvera aisément dans le ton de la lettre que le président M’beki a adressé au roi Mohammed VI. Il y sera question de l’abandon de l’ensemble des engagements du Maroc devant la communauté internationale contenus notamment dans les accords de Houston. Voilà pour le concret. Pour le symbolique, il faut se remémorer les relations privilégiées entretenues par Hassan II avec le régime d’Apartheid. En invitant Mme Dlamini à découvrir aujourd’hui des spécimens d’armes livrées par l’Afrique du Sud au Maroc, il s’agira pour ce grand pays de réparer une honte et de conjurer l’histoire et pour les Sahraouis de booster un mouvement diplomatique en place à la veille de la réunion du Conseil de sécurité.

S. L.

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