Située à quelque 85 km au sud ouest du chef lieu de wilaya de Béjaïa, et bâtie sur une altitude moyenne de 250m, Tazmalt est la plus importante cité kabyle de la vallée Sahel Djurdjura, et son économie repose essentiellement sur l’agriculture.Celle-ci est basée principalement sur l’oléiculture, où l’on recense d’innombrables oliveraies. Cela explique parfaitement l’existence d’un autre nom que Tazmalt porte encore, et qu’on entend parfois ses habitants le prononcer, ce pseudo est Tazerajt, qui n’est autre que la signification en kabyle local d’olivier aux gros fruits, dont le rendement dit-on en huile est faible par rapport aux autres espèces d’olives. On assiste également ces dernières années à un épanouissement remarquable de l’aviculture.Au sujet de l’industrie, Tazmalt ne fait guère bonne figure, cela est dû sans aucun doute à l’absence de zones d’activités, en dépit des promesses faites aux investisseurs, pour lesquels la vallée de Tazmalt représente le centre de gravité par rapport à la géographie de toute la Kabylie, d’où sa situation stratégique, puisque considérée comme le carrefour de toute la kabylie, sans oublier sa proximité de la capitale (170km seulement). Toutefois, Tazmalt est considérée comme étant un important centre commercial de la Kabylie. Elle doit son salut à la réputation de son marché hebdomadaire qui draine encore de nombreux citoyens qui viennent de presque tous les coins d’Algérie.En dépit de l’existence d’une maison de jeunes, Tazmalt souffre encore d’un vide culturel flagrant que ses élus n’ont jamais ou presque effacé. Pourtant, cette ville du versant sud du Djurdjura est importante de par sa population estimée aujourd’hui à 40 000 habitants environ, dont plus de la moitié est jeune.Ces jeunes justement, se plaignent de la platitude et de la monotonie de la vie quotidienne, notamment pendant l’été. « La vie culturelle à Tazmalt est plate comme ses terres » nous dit H., un jeune fraîchement diplômé de l’université d’Alger.En début de cette saison estivale, les jeunes de Tazmalt se retrouvent, à l’instar de tous les jeunes Kabyles, dans une situation dramatique, puisque rien ou presque de ce que peut attendre un jeune du 21ème siècle n’existe chez eux. Voyons ça.La maison de jeunes, et malgré quelques bonnes volontés, n’arrive pas à satisfaire les besoins grandissants en activités et loisirs d’une population jeune de plus en plus nombreuse. Quant à la salle de cinéma, elle n’existe plus puisqu’elle a fait les frais de la colère de ces mêmes jeunes lors du printemps noir, et ses « restes » viennent d’être balayés pour laisser place, tenez-vous bien, à un mini marché quotidien… ! Hormis le Centre Sportif de Proximité et le stade communal, les jeunes ne trouvent pas où se dégourdir les jambes et dépenser leur trop-plein d’énergie.Depuis que les jeunes ont déserté les mares construites tout au long de l’Oued Soummam, dont la plus célèbre est « tamda tezruts » à cause de la pollution, ils n’ont plus d’endroit où trouver un peu de fraîcheur, car à Tazmalt il n’y a pas de piscine ni d’espace vert. La plage est loin et la montagne n’est pas proche, mais cela n’empêche pas quelques mieux lotis d’aller bronzer sur les plages de Bejaia, ou d’aller prendre un bon bol d’air frais à la montagne, notamment à Ain Zebda.Cette situation faite de vide et morosité,laisse les chemins de la débauche,surtout la toxicomanie et l’alcoolisme, grands ouverts devant ces jeunes, dont les frustrations sont exacerbées par les voyages virtuels qu’ils font quotidiennement à travers les chaînes de télévision. Cela pousse certains jusqu’au suicide, puisque rien qu’au cours des trois derniers mois, trois suicides et deux autres tentatives ont été enregistrés.Ce tableau assez sombre, n’empêche pourtant pas la vie de continuer. Beaucoup de jeunes sont devenus de véritables adeptes de cyber- cafés. Cela leur permet d’être en contact avec leurs semblables de par toutes les régions du monde. D’autres ne baissent pas les bras, à l’image de l’association des activités de jeunes de Tazmalt, qui essaye contre vents et marées de maintenir un semblant de dynamisme culturel et sportif en organisant de temps à autre un spectacle ou un hommage, ou en organisant un tournoi inter-quartiers qui arrive à susciter un certain enthousiasme chez les jeunes et les moins jeunes. Et puis c’est l’été, et quand on dit été, cela veut dire : arrivée des émigrés et fêtes de mariage qui sont presque la seule distraction pour les femmes de Tazmalt, quand on sait que les sorties en famille et autres pique-niques sont quasiment inexistants et ne font pas partie des mœurs des habitants de cette région, comme d’ailleurs les autres régions de Kabylie.Pour cet été, heureusement que le mondial allemand est là et permettra, du moins à ceux qui ont les moyens de capter les chaînes de télévision satellitaires, de meubler leur temps libre. Comme il ne manquera pas de susciter des débats chauds et animés autour de boissons fraîches et autres glaces dans tous les cafés, de « akham yarghane » au « quatre- chemins » en passant par « el koumi oufella ». Mais le mondial finira le 9 juillet, et d’ici là on ne sera qu’au début de l’été.
Abdelhalim Mouhou
