Le dialogue des religions

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Par Anouar Rouchi

A travers l’histoire universelle, très peu d’événements ont pu susciter autant d’intérêt et d’émotion sur l’ensemble de la planète comme le fait, en ce moment même, le décès de Sa Sainteté le pape Jean-Paul II. De Varsovie à Rome, en passant par Buenos Aires et Johannesbourg, le monde entier, catholique ou pas, montre sa sympathie à la personne du disparu. Les médias sont mobilisé pour la couverture de l’événement et Rome et le Vatican sont littéralement submergés par les pèlerins venus accompagner le défunt dans son dernier voyage, parmi lesquels des dizaines de chefs d’Etat et de gouvernement.Cette communion universelle aussi spontanée que sincère n’est pas sans susciter des jalousies chez certains candidats à la popularité qui ont été bien obligés de renoncer à leurs projets d’hégémonie. C’est le cas de cheikh Djab, un sémillant chef islamiste, dont la verve est restée intacte malgré des déboires à répétition.Devant son poste de télévision, il est tout simplement outré par l’image de centaines de milliers d’hommes et de femmes en prière pour honorer la mémoire du pape. Décidément, l’Occident est sectaire. Pourtant, en tant que responsable d’un parti politique, qui plus est religieux, cheikh Djab se sait dans l’obligation de présenter ses condoléances à la nonciature apostolique d’Alger. Mais, décide-t-il, ce sera l’occasion pour lui d’asséner quelques vérités au Nonce apostolique en personne. C’est donc drapé dans une gandoura d’une blancheur immaculée et une chéchia de même couleur qui contraste sévèrement avec sa barbe bien fournie, que cheikh Djab est reçu par l’ambassadeur du Vatican. Après les formules d’usage en pareilles circonstances s’engage le dialogue suivant :Le cheikh : Monseigneur, je suis convaincu que le dialogue des religions n’exige ni date ni circonstance particulière. Aussi, je souhaiterais m’entretenir avec vous sur quelques sujets qui me tiennent à cœur.Le Nonce : Malgré notre grande tristesse, ce sera pour moi un plaisir de vous écouter cheikh.Le cheikh : Ne trouvez-vous pas, Monseigneur que l’ampleur des manifestations de sympathie pour le défunt souverain pontif est suspecte ? Pourquoi n’a-t-on pas eu la même compassion à la disparition de l’ayatollah Khomeiny ?Le Nonce : Si l’émotion a si massivement gagné le monde, ce n’est pas tant l’homme qui est célébré, mais son œuvre. Ne comparez donc pas les deux hommes, mais leurs œuvres respectives. Le Saint père a consacré son pontificat à la paix et à la justice dans le monde, et partout il a plaidé la cause des pauvres et des faibles.Le Cheikh : Je ne saurais trop vous contredire sur ce point. Mais avouons qu’il est resté dogmatique et qu’en ce sens il a constitué un frein au progrès.Le Nonce : Je ne vous comprends vraiment pas cheikh…Le cheikh : L’Occident accuse souvent l’Islam d’intolérance et de trop de rigueur dans le dogme. Or, c’est une religion libérale. Alors qu’en ce début de troisième millénaire. Le défunt pape a maintenu le célibat des prêtres, nos imams ont toujours eu droit à quatre épouses. Sans compter que le mariage occasionnel est autorisé comme en font si souvent usage nos amis dans les maquis.Le Nonce : Certes, mais est-ce cela l’essentiel ?Le cheikh : Plus encore ! Comment expliquez-vous qu’à l’issue des conclaves électifs, le pape élu peut être théoriquement européen, indien, noir, etc… mais jamais musulman ? N’est-ce pas là une évidente ségrégation ?Le Nonce : Mais cheikh vous confondez tout… pour être chef d’une religion il faut d’abord épouser cette religion…Le cheikh : C’est un argument fallacieux puisque les musulmans croient en tous les livres et honorent tous les prophètes. Mais passons. Vous qui vous dites les chantres du progrès, pourquoi continuez-vous à l’ère de l’électronique, à communiquer par des nuages de fumée comme les Indiens du temps jadis ? Cette histoire de fumée blanche pour annoncer l’élection du pape, franchement… Et si un malin nous sabotait la cheminée ?Le Nonce : Vraiment cheikh, ce que vous allez chercher là…Le cheikh : Il y a tant et tant de choses à dire encore. Mais la meilleure et je ne vous cache pas que j’en ai ri franchement, c’est quand j’ai entendu dire que le pape a mis le préservatif à l’index…Le Nonce : (Il se lève et de l’index indique la porte).

A. R.

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