Un intérêt tout particulier à l’enseignement de tamazight

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Au lendemain du boycott du cartable, l’une des étapes qui a peut-être le plus et le mieux mobilisé la Kabylie autour de tamazight di lakul, la revendication phare, l’Etat a lâché du lest en décidant d’accompagner la décision d’introduire tamazight dans le système éducatif national par la création d’une institution rattachée à la présidence et chargée de promouvoir tamazight, langue et culture.Créée dans la précipitation et pour fondamentalement répondre à une exigence politique et non moins légitime, l’institution vivra quelques instants de flottements, avant de se ressaisir et de peser de tout son poids et avec les moyens du bord sur l’un des aspects de la revendication identitaire : l’enseignement de tamazight. De toute façon, le HCA n’avait pas le choix. Il fallait, au plus vite, accompagner dans leur activité pédagogique, plutôt approximative, les premiers enseignants de tamazight venus essentiellement du milieu associatif, n’ayant pour la plupart aucune formation pédagogique et armés de leur seule détermination. Pour ce faire, des formations assurées par des universitaires ont été programmées par le HCA. Le premier stage initié par l’institution et qui se soldera par la remise de Tanaga (diplôme) Mouloud-Mammeri aux pionniers de l’enseignement officiel de tamazight aura lieu en août 1995, à Ben Aknoun. A peine, pour ainsi dire, les pieds posés sur l’estrade, l’enseignant est confronté à des problèmes et pas des moindres d’ordre pédagogique : quelle langue enseigner ? Quel programme exploiter ? Quels objectifs lui (à l’enseignement de tamazight) assigner… Autant de questions auxquelles le HCA tentera d’apporter des réponses. Seulement, la bonne volonté et la bonne foi ne suffisent pas pour prétendre répondre à des questions du domaine des de Saussure.Cela dit, le Haut-Commissariat à l’amazighité aidera à ce que la chose pédagogique avance sur le terrain de l’apprentissage de la langue. A défaut d’assurer une formation pédagogique digne d’un normalien aux enseignants, il leur aura au moins permis de se concerter, de s’échanger les expériences, en leur proposant des espaces de rencontre.Des espaces d’ailleurs qui permettront aux séminaristes venus de toutes les régions berbérophones du pays de concocter carrément des programmes d’enseignement comme cela a été le cas en 1998 au lycée Stambouli à Tizi Ouzou. Leur détermination soutenue par le HCA finira par relativement payer, puisque ces enseignants ne tarderont pas à au moins définir ce que sont l’enseignement par objectifs et l’enseignement par approche thématique. Ainsi et alors qu’il avait pour mission de promouvoir l’ensemble des facettes de la question identitaire, le HCA s’est, malgré lui, retrouvé à gérer une problématique pédagogique du ressort exclusif de l’Etat. Ce dernier, et alors que tamazight est consacrée langue nationale, tarde toujours à faire valoir son efficacité, en mettant en place les moyens à même de permettre à tamazight d’être enseignée comme le reste des disciplines “bichonnées” par le ministère de l’Education nationale. En attendant l’implication franche de la République, le HCA, lui, ne chôme pas. Il organise jusqu’au 13 du mois en cours des journées d’étude sur “la genèse de l’enseignement de tamazight depuis le IXXe siècle”. Un parcours qui, depuis Boulifa, et même avant, a quoi que l’on dise généré une intelligence qui n’a pas le droit de lâcher prise et de se laisser distraire par les coquetteries politiques.

T. Ould Amar

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