Les alliances paradoxales de Mahia Mohamed

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Tout commence par l’imbroglio du désordre intérieur de Dave (p1), le personnage central d’un roman à la fois passionnant et pessimiste sur la condition et l’avenir de l’homme. L’auteur est allé explorer les tréfonds de cet être à la fois complexe et fragile. Par le truchement d’une histoire tissée de bout eu bout par un vocabulaire très recherché et riche qui déroute parfois le lecteur tant pour son architecture que par le choix des mots complexes, l’écrivain essaye de comprendre les raisons profondes et inconscientes, la raison pour laquelle les hommes sombrent dans l’intégrisme religieux et le chauvinisme dévastateur qui conduit le monde à sa perte : “Le grand succès de ces briscards islamistes précurseurs de la mondialisation luciférienne se vantent à tue-tête, prétendent qu’ils dominent la foi et la domestiquent”. En réalité, il n’en est rien : “La rodomontade équivoque de ces maniaques aux consciences insomnieuses est inconcevable et intolérable pour les esprits instituteurs de l’enthousiasme pour la paix et la fraternité”. Les commanditaires et leurs sbires de cette folie meurtrière et dévastatrice ne s’imaginent pas le mal et le tort qu’ils causent : “Ce genre d’hommes est un danger pour eux-mêmes et un écueil pour la société, en particulier pour les néophytes et zelés de la religion…” L’idée essentielle de ce livre, qui fera date et qui marquera les esprits avisés, tourne autour de ce phénomène du siècle qui touche tout le monde et toutes les religions. Un rétrospective historique à travers l’histoire d’un prêtre français illustre bien ce point. Intitulé sur treize chapitres liés par le sens et le destin des différents personnages, le roman passe en revue tous les aspects de l’être humain, notamment sur soi à la fois égoïste, bestial, cruel mais aussi tendre, amoureux, compatissant à la douleur de l’autre sans distinction de race et sans frontières. C’est pourquoi un prêtre religieux cotoit une prostituée Eva, un Noir, un Kabyle ancien émigré, Da Slimane, la France et l’Algérie, la vie et la mort, la haine et l’amour, l’église et la mosquée, le présent et le passé……une sorte d’hymne à la vie et à la tolérance. C’est un roman qui renvoit dos à dos les tenants de l’intégrisme et de l’intolérance. “Le perpétuel enfant humain dans sa congrégation de répréhensibles, ne contrecarrera pas les propensions de son discréditionnaire égo”. (p56) “La droiture du mensonge humain est le pire pitre des aveux de la naïveté, l’équation de cette maturité précaire convenait avec celle du confesseur des innocents et celle du mécène des scandaleux”. (p59). Ainsi, le commanditaire et la victime de tels agissements néfastes est toujours l’homme. Tout vient de nous et personne n’est responsable d’une telle situation que nous. L’histoire de : “Le Kaicer des michetons et des sybarites dans le chapitre XI en est une parfaite illustrations. Le kaiser est la loque de l’infamie, la mort incarnée en humain et la flambe acérée du mal” (p58).S’il parle de l’homme, il parle également de la femme : “la tragédie des honnêtes femmes dans leurs foyers est pire que la tragédie de ces esclaves d’antan”. Les libérer et les émanciper est une nécessité impérieuse pour réconcilier la société avec elle-même. Si paradoxal que cela puisse être, ils sont en nous, nous les portons en nous, c’est pourquoi nous sommes condamnés à réconcilier l’inconciliable pour vivre en paix. Toute autre entreprise sera vouée à l’échec: “Vos pires ennemis sont nos amis intimes, et les odeurs putrides émanent toujours de nos corps que même les barons du parfum n’esquinteront pas” (p63). Voilà, la boucle est bouclée, ce qui justifie le titre de cet excellent livre aux relents philosophiques et à la dimension profondément humaine. En attendant de dénicher un éditeur, l’auteur, Mahia Mohamed éditera son produit dans le cas échéant de l’autre côté de la Méditerranée.

Achiou Lahlou

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