Pour la première fois depuis le lâche assassinat de Matoub Lounès, le 25 juin 1998, un média public, en l’occurrence la radio Chaîne II, s’ouvre à des révélations inhérentes aux circonstances de l’attentat. Une émission de plus de deux heures a été diffusée, jeudi passé, en début de soirée à l’occasion du 8e anniversaire de l’assassinat. Durant plus de deux heures donc, la mère du Rebelle a évoqué d’abord l’enfance tumultueuse de son fils, avant d’aborder le sujet brûlant de l’actualité, à savoir l’assassinat. La mère de Matoub Lounès se souvient des moindres détails de toute la période ayant précédé la journée la plus sombre de l’histoire de la Kabylie. Contrairement aux rumeurs distillées au lendemain de l’assassinat, faisant état d’une profonde mésentente entre le Rebelle et sa mère, il n’en était rien. Juste après l’enregistrement de son album “Aghuru”, Matoub a convié sa mère au studio pour lui faire écouter les onze nouvelles chansons. “J’étais à la maison (à Paris, Ndlr) et il m’a demandé de l’accompagner au studio pour me faire écouter ses nouveautés. Quand je suis arrivée et après l’écoute, j’ai eu peur et je lui ai reproché d’être allé aussi loin”, témoigne Na Aldjia Matoub. Pour rappel, dans l’album en question, Matoub reprend la musique de l’hymne national algérien et y dénonce les pratiques du pouvoir et des intégristes, qu’il renvoie dos à dos. Aldjia Matoub rapporte que le Rebelle lui a répondu : “Cette fois-ci, ce sera ou bien la prison ou bien la mort”. Cette scène s’est déroulée la veille de l’assassinat. L’invitée de la Chaîne II a rapporté que son fils lui avait confié qu’il ne devait rentrer en Algérie que trois jours plus tard.“Mais, il a reçu un coup de fil d’Algérie (Aldjia Matoub ne décline pas l’identité du correspondant téléphonique), l’informant que le visa de son épouse Nadia, restée à Taourirt Moussa, était prêt et qu’il devait rentrer au pays pour récupérer le passeport”. C’est la première fois, depuis huit ans, que la mère de Matoub livre publiquement cette information, qui compliquera davantage l’évolution de cette affaire entourée de zones d’ombres. Aldjia Matoub, dans la première partie de l’émission, au cours de laquelle il y a eu également l’intervention de Malika Domrane, qui s’est produite avec Lounès lors de son dernier Zénith, est revenue aussi longuement sur l’enfance tumultueuse de Matoub. “Il ne mentait pas, il ne volait pas et il ne trichait pas, mais il ne supportait pas qu’on ne le laisse pas faire ce qu’il voulait”, raconte-t-elle, ajoutant que son fils avait la révolte dans le sang et qu’il était un Rebelle inné. Son enseignant à l’époque avait confié déjà à la mère : “Lounès sera un grand !”. Et quand Matoub est assassiné en 1998, le même enseignant est venu pleurer son ancien élève, devenu grand. Tellement grand…
Aomar Mohellebi