La Dépêche de Kabylie : Près de huit années se sont écoulées depuis la création de l’ANSEJ de Tizi Ouzou, quel bilan tirez-vous de cette période ?Mohamed Zitoune : Depuis l’ouverture de l’antenne de Tizi Ouzou au 31 Mai 2006, nous avons reçu 17 622 dossiers dont 16 082 ont reçu leur attestation d’éligibilité pour 43 747 emplois prévus.35% des projets, en l’occurrence 5 537, ont obtenu l’accord de financement des banques, soit une moyenne de trois accords par jour. 4 943 micro-entreprises ont été créées depuis 1998, qui ont généré 12 984 emplois directs et permanents. Nous finançons en moyenne 70 micro-entreprises par mois qui peuvent créer au minimum 140 emplois permanents. On a créé pratiquement des micro-entreprises dans tous les secteurs d’activités et partout à travers notre wilaya.Etes-vous satisfait de ces résultats ?Dire que je suis totalement satisfait de ces résultats, c’est aller vite en besogne, je ne veux pas tomber dans l’autosatisfaction. Nous avons certes pu créer une dynamique dans la région comparativement à la stagnation qu’elle a connu par le passé, mais des primo-investisseurs arrivent quotidiennement sur le marché du travail. Leur prise en charge nécessite de l’écoute et des efforts supplémentaires à consentir. La plus grande satisfaction c’est de voir venir des jeunes en situation de précarité, sans repère du fait de leur situation de chômeur, donc d’exclus de la société, pour les accompagner, les orienter, les conseiller et les voir grandir et devenir les investisseurs de demain. Ces jeunes ont choisi de créer leur propre emploi dans leur pays, malgré les conditions difficiles qui caractérisent l’environnement économique. On est donc là à leurs côtés, pour réaliser leurs rêves. L’engagement et le dévouement du personnel de l’ANSEJ pour la jeunesse de notre région est permanent.Comment expliquez-vous l’engouement des jeunes investisseurs pour l’ANSEJ ?En 1998, nos débuts ont été timides pour des raisons diverses, liées notamment aux limites de l’ancien dispositif qui a eu un effet négatif sur la confiance des citoyens dans les institutions de l’Etat. L’évolution positive a commencé en 1999 avec le déploiement de l’ANSEJ sur le terrain et aussi grâce à des instruments et mécanismes mis en place par les pouvoirs publics tels que les nouvelles dispositions mises en place par le président de la République lors du séminaire des walis sur le dispositif ANSEJ qui s’est tenu au Palais des nations en octobre 2003. A titre d’exemple, le recul du seuil d’investissement, l’introduction des avantages liés à la phase extension, le programme des 100 locaux par commune pour offrir le foncier industriel qui est indisponible. Nous avons même atteint le seuil de 400 jeunes en 2004 reçus en une seule journée. Beaucoup de projets rentables et socialement utiles ont vu le jour. Nombreux sont les jeunes qui étaient indécis et qui ont vu autour d’eux, dans leurs quartiers, dans leurs villages des jeunes ayant réussi à créer des micro-entreprises. C’est l’effet d’entraînement. Les résultats sont probants et palpables. Nous recevons plus de 300 jeunes par semaine qui vérifient de visu que la prise en charge est réelle et que les entraves bureaucratiques sont bannies. Le concret est plus persuasif que toutes les campagnes d’information et de vulgarisation. Il ne faut pas perdre de vue également les avantages qu’offre ce dispositif et la célérité de traitement de dossiers. L’accueil, l’organisation, le dévouement, l’impartialité, l’abnégation et la rapidité dans le traitement des dossiers sont notre credo et des stimulants indéniables pour ces jeunes.Quelles sont les contraintes auxquelles sont confrontés ces jeunes entrepreneurs ?Le plus important des problèmes des jeunes est l’absence de locaux et de terrains (agriculture). La plupart des terres agricoles privées sont dans l’indivision et sans acte. Le foncier est un grand problème pour la création d’entreprises dans notre wilaya. En outre, il y a lieu de citer le manque de qualification et d’informations techniques. Malgré les efforts consentis (séances d’information chaque mercredi et samedi, sorties de vulgarisation dans toutes les communes, journées portes ouvertes,…), il y a encore du travail à faire. Pour les promoteurs des projets en voie de réalisation, les délais de livraison des équipements qui sont pratiqués par certains fournisseurs sont excessivement longs. Ce problème est toutefois pris en charge efficacement par l’ANSEJ. Pour vous dire que notre accompagnement n’a pas de limite.Les banques algériennes ont été toujours un facteur de blocage pour les investisseurs, qu’en est-il avec votre agence ?Le tableau n’est pas si noir que ça. Nous sommes sortis d’une situation où c’est l’Etat qui faisait tout. Le culture d’épargne est quasiment absente et le système bancaire est à perfectionner. La négociation personnelle du crédit a remplacé l’injonction administrative. Néanmoins, les banques ont fait un effort considérable en finançant 35 % des projets. Il ne faut pas perdre de vue aussi que beaucoup de jeunes qui remplissent les conditions d’éligibilité ont choisi des créneaux à haut risque dans certains cas, des activités très capitalistiques ou à concurrence très forte en dépit de nos conseils. Leurs chances sont vraiment minimes pour décrocher un crédit bancaire. Ils ne pourront pas être convaincants.A quoi est dûe, selon vous, la réussite de ce dispositif sur le terrain ?La réussite est dûe à plusieurs facteurs dont l’adhésion de ces banques justement. Il y a en outre le travail fait par l’ANSEJ en amont ; le jeune est totalement pris en charge au premier contact : il est informé sur le dispositif, ses conditions, ses avantages fiscaux et parafiscaux, sa relation avec la banque et les techniques de négociation d’un prêt bancaire. Cet accompagnement continue tout au long du parcours. En aval, le suivi sur le terrain des projets déjà réalisés nous permet d’être constamment présents avec ces jeunes.L’appui des collectivités locales et de la wilaya, dont monsieur le wali de Tizi Ouzou, sont considérables dans la mise en œuvre du dispositif sur le terrain. Ainsi une campagne d’information dans toutes les dairas de la wilaya a été déjà finalisée et une autre touchant toutes les communes sera entamée pour véhiculer l’information dans les coins les plus reculés de la wilaya afin que ce dispositif, qui est destiné à l’ensemble des jeunes répondant aux conditions d’éligibilité, soit accessible à tous les jeunes chômeurs sans exclusion.Il faut signaler et mettre en exergue l’adhésion des partenaires et leur appui considérable ; je cite entre autres les banques, les impôts, la CNAS, la CASNOS, le CNRC, les Douanes et les fournisseurs.Quels sont les secteurs les plus demandés par ces jeunes entrepreneurs ?Les secteurs les plus demandés sont évidemment les services, suivis de l’agriculture, de l’industrie et de l’artisanat.Cela est dû à quoi ?L’engouement des jeunes pour le secteur des services est dû essentiellement à la qualification, la rentabilité immédiate (le retour sur investissement), le savoir-faire et la demande.Quelles sont les perspectives de l’ANSEJ ?Parmi nos perspectives, figure la création d’autres pépinières comme celle qu’on a lancée à Tizi Ouzou, la finalisation d’une banque locale de projets qui va ressortir les besoins identifiés pouvant constituer des opportunités d’investissement, la mise en place d’un site Internet et enfin, la signature de conventions avec les institutions publiques pour l’externalisation.
Entretien réalisé par Nesrine H.
