(1re partie)
« Amachahou rebbi ats iselhou ats ighzif anechth ousarou. » (Que je vous conte une histoire. Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil). Avoir « aâd’aou sennig’ lkanoun » un ennemi au sein même de sa famille est la pire des calamités qui puisse arriver à un être humain. Et cela arrive ! C’est l’histoire d’un époux et de son épouse qui sont à couteaux tirés, que nous allons vous raconter à travers ce récit du terroir. Dans les siècles passés, il n’y avait ni écoles, ni universités pour inculquer le savoir. Tout se transmettait oralement. La seule chose qui pouvait différencier les êtes humains était l’intelligence. Mais comment mesurer l’intelligence ? Nos ancêtres ont trouvé la solution. Etaient intelligents les hommes ou les femmes capables de trouver la clef d’énigmes « thimsaâraq ». Le plus intelligent était celui qui pouvait en deviner le plus grand nombre. C’est suite à ce critère de sélection qu’une femme s’oppose à son mari. Le couple a un enfant pas encore adolescent. Il adore son père et le suit partout où il va. Le père est un homme intelligent, il résout toutes les énigmes qu’on vient lui soumettre, en présence de son enfant. L’enfant apprend vite et se forge peu à peu sa propre réputation. Le père et le fils sont toujours ensemble au point que la mère du petit devient jalouse de cette complicité et veut la briser. Quand toute la famille est réunie autour du kanoun (âtre) le père aime étaler comme tous les soirs, les prouesses de son petit qu’il câline et serre contre lui. La mère est excédée. Elle supporte depuis des mois leurs énigmes à répétition. Un soir qu’elle était de mauvaise humeur, elle élève sa voix, pleine de fureur elle dit à son mari hébété :- Athets zoukhoudh s memmi-k’ !(Tu glorifies ton fils d’être intelligent) Oula d’nek ad’ zoukhagh s-ouathmathen inou. Ifen memmi-k’ ifen-k oula d’ k’etchini ! (Moi aussi je peux me vanter, j’ai des frères plus intelligents que ton fils et plus intelligents que toi !). A cette époque fort reculée, une femme qui s’adresse ainsi à son mari est vite répudiée. Bien que touché dans son amour-propre, l’homme qui était intelligent dit à sa femme en se contenant :- Tu iras sur le champ voir tes fameux frères, mais tu ne reviendras ici que s’ils arrivent à deviner l’énigme que voici :- Anoua ay d’yir afroukhAnta id’ yir sedjraD’eg ayen id ikhlaq rebbi mara(Quel est le plus vil des oiseaux, qu’elle est la plante la plus abjecte de tout ce qui a été crée ?)La mère comprend un peu tard qu’elle a dépassé les bornes. Le mal est fait, elle ne peut y remédier. C’est la mort dans l’âme qu’elle se rend chez ses frères qui la reçoivent à bras ouverts.Mais comme elle est arrivée seule sans son mari et sans son petit, sa famille est intriguée. A sa mine renfrognée « ik’res ounyir is » sa mère intuitive devine que quelque chose de mauvais s’est passé. – Ce n’est pas dans tes habitudes de venir sans être accompagnée ! Que t’es-t-il arrivé, ma fille !- J’ai voulu faire de l’esprit devant mon mari. Il s’est senti humilié, pour ne pas me répudier, il m’a dit que je ne retournerai chez lui qu’à la seule condition que mes frères devinent l’énigme ainsi formulée :- Anoua ay d’yir afroukhAnta id’ yir sedjraD’eg ayen id ikhlaq renni mara(Quel est le plus vil des oiseaux, qu’elle est la plante la plus abjecte de tout ce que Dieu a crée !). Pour sauver leur sœur de la répudiation, les frères se concertent au sujet de l’énigme.
(A suivre) Benrejdal Lounes
