Notre grande muette à nous, la police, change de fusil d’épaule et se décide à communiquer via une cellule qui reste tout de même à installer. C’est donc le dernier bastion à tomber, tout en découvrant les vertus de l’ouverture en direction des médias d’abord, des citoyens ensuite. Le commissaire principal, Mohamed Tlemçani, nous a longuement entretenu des raisons objectives qui ont fait basculer ce corps, réputé à Béjaïa pour son hermétisme, dans une stratégie nouvelle, basée sur la transparence qui, seule, peut garantir et améliorer les relations avec les citoyens. “Dorénavant, notre institution sera une maison en verre et nous comptons instaurer de bien meilleures relations avec la presse”, continuera-t-il dans la foulée. Voilà qui est de bon augure pour l’information et ceux qui, inlassablement, la traque.C’est dans ce cadre que nous fûmes conviés à prendre place dans une voiture, en compagnie de l’officier de permanence et d’un enquêteur principal de la PJ pour une virée à travers Béjaïa et ses endroits réputés à risques, ou tout simplement à forte densité de population ou de circulation. Une tournée de routine, en somme. En cours de route, l’officier nous dresse un tableau du fonctionnement de ce service : la permanence. Après les heures légales, la continuité du service est assurée dans toute sa diversité par le service de permanence qui assure la pérennité de la mission de la police. Premier endroit à recevoir notre visite, l’esplanade des Oliviers, à quelques encablures d’un commissariat. Le lieu respire la paix et la tranquillité. Les enfants n’arrêtent pas de se balancer, assis sur les balançoires mises spécialement à leur disposition, couvés du regard par leurs géniteurs. Des couples bien sages sont disséminés sous les nombreux abris que l’épaisse végétation leur procure. C’est beau l’amour ! La présence de quelques jeunes hommes paraît bien intrigante, le mélange des genres étant peu toléré dans nos contrées. Après les vérifications d’identité d’usage et devant le calme qui règne dans ce lieu magnifique où humains et peuple macaque cohabitent dans une harmonie parfaite et dans un environnement bien délaissé, notre cortège quitte les lieux. L’officier nous explique que leur présence est dissuasive pour ceux que traverserait l’idée d’un mauvais coup, et rassurante pour les gens bien intentionnés.Deuxième étape, un des trois barrages permanents de la cité, celui d’Ighil El Bordj. Il est 17h30. Les contrôles se font sans excès de zèle, ni laisser-aller. “D’habitude, il y a nettement plus de véhicules car cette heure coïncide avec le retour des plages de la côte Ouest”, nous confie l’enquêteur de la PJ. Propos confirmés par les éléments de l’unité présente sur les lieux. Idem pour celui de la sortie vers Tichy, un peu plus animé. Mais ce n’est pas non plus les bouchons dont la région est coutumière. Plutôt fluide, la circulation et les automobilistes hyper-cools : ceintures de sécurité bien ajustées, bananes de circonstances… Il en est jusqu’aux motards, bien courtois, casques vissés sur la tête et papiers, en règle bien sûr, à la main. Rien à se mettre sous la dent, ici. Direction Bir Slam où la circulation est d’une fluidité presque anormale.Le bouchon, le nœud gordien, le “goslow” comme le surnomment nos amis Nigérians, point besoin de sortir de Béjaïa pour le rencontrer : il est en plein Béjaïa, à Aâmriw où toute la dextérité d’une dizaine d’agents ne suffit pas à désengorger le carrefour où, malgré la présence en nombre d’uniformes bleue, la seule loi en vigueur est celle de la jungle. “Il arrive, aux heures de pointe, que l’on soit débordés”, nous dira un agent de la circulation réputé pour être un chevalier du sifflet. “Mais force est à la loi et la circulation est vite ramenée à de plus acceptables proportions”, ajoutera-t-il. Cette courte virée nous a davantage renseigné sur les relations police-citoyen. Un état d’esprit nouveau est en train de supplanter “la peur du gendarme”. C’est en toute décontraction que plusieurs policiers ont été interpellés, avec beaucoup de bonhomie et d’à-propos par des citoyens. On échange plus volontiers la dernière blague avec celui-là même dont le seul nom inspirait terreur et effroi, il y a une dizaine d’années à peine. Une convocation au commissariat était perçue comme un arrêt de mort ou presque. Quelque chose est en train de changer dans les relations garants de la loi-peuple. Une explication peut- être : les années noires où les agents tombaient chaque jour ont contribué à rapprocher davantage ce corps de la population. Rares, par ailleurs, sont les familles qui n’ont pas au moins un membre de leur famille dans les forces de l’ordre. A chaque chose malheur est bon et une police plus humaine, après la gendarmerie et la justice, qui possèdent une longueur d’avance, ne peut que rapprocher notre pays vers le vrai pays de cocagne, l’unique, celui de l’Etat de droit.
Mustapha Ramdani
