Le crooner kabyle est de retour

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Du pur bonheur pour tous les fans de Farid Ferragui. Quel fan n’a pas été envoûté par la voix de ce poète, une voix qui fuse du cœur, caressante à souhait, épousant les notes limpides du luth, le chanteur du cœur,le poète romantique Farid Ferragui revient sur scène. Avec ses chansons basées principalement sur l’amour, la fraternité et l’injustice, il martèle le luth, son instrument de prédilection et fétiche, souverain de son propre rythme, sans le recours à la percussion si retentissante dans les orchestres de la variété. Farid Ferragui originaire du petit village de Thaqa (Tizi Ghenif) n’a pas de susceptibilités dans sa vison artistique qui est à l’unisson de l’universel, lui qui écoute d’une oreille attentive Serges Reggiani, Maxime Le Forestier qui font vibrer leur public. Comme quoi le brassage des cultures n’est pas un vain mot.Bercé par les grands à l’image de H’nifa, Chérifa, Slimane Azem, Akli Yahiaten, Chérif Kheddam, Farid Ferragui a pris son élan du bout des mélodies d’amour et d’espoir qui animent encore son âme de chanteur. Ses premiers pas dans l’univers de la chanson il les a faits à l’Ecole normale de Tizi Ouzou où il a acquis ses premières notes de solfège. Depuis, se sont enchaînés scènes et concerts pour aboutir à de longues tournées à travers le pays et ailleurs.Interrogé sur sa longue absence, Ferragui a déclaré : “Ce n’était pas une fuite. C’était quelque chose d’imposé. Il y a des moment dans la vie où l’on doit se taire. En 2001, le terrorisme ravageait la Kabylie et je devais tout annuler”. Il a ajouté qu’un nouvel album et un CD sortiront dans un futur prochain. “La chanson du terroir peut être jouée avec un luth. J’aime cet instrument. Il se marie avec ma voix et je scelle l’union”.Farid possède ce cachet particulier d’une identité vocale et instrumentale qui le distingue de l’ambiance commune de répertoires de cette nouvelle vague de voix commune évoquant une atmosphère d’“attaque de la diligence”. Un calme olympien gouverne donc cette harmonie majestueuse entre le bruissement musical du luth qui se passionne de sa voix qui touche l’auditeur et l’emmène vers les espaces féeriques de l’amour, de la fraternité, la liberté, assises identitaires de la plénitude de l’être : “On se distingue par la voix. Je vis mes chansons, car si je ne les vivais pas, je chanterais faux. L’amour est dominant dans mes chansons sans cela l’humanité n’existerait pas.”Farid a connu une soudaine célébrité au début des années 1980 avec des chansons fortes d’une textuelle sensitive. Le mot “il” est l’espace pulsionnel de ses messages : “Acu ar d ini wul ?, a yul igebghane tulas” (Qu’aura à dire le cœur, ô cœur qui aime des filles !).Des bouquets d’offrandes printanières composées à l’Ecole normale de Tizi Ouzou. Il fut un élève aussi studieux que le chanteur qu’il devint grâce peut-être à cette pédagogie des ex-Ecoles normales qui ont formé des enseignants non sans leur avoir donné le goût de l’art, de la musique, de la peinture et, non des moindres, un attachement viscéral à la terre, à l’oralité du terroir. Depuis, la passion pour la chanson a pris. Dix-sept albums en une décennie. Une décennie sèche et noire durant laquelle ses mots d’amour et de solidarité ont rempli d’espoir les cours les plus enclins à la déprime. L’autre décennie, celle qui vient de s’achever, a tué, brisé, réduit au silence écrivains et artistes. Quelle chanson aurait eu la force de compatir aux douleurs innommables ou dénoncer l’horrible et le carnage ? Farid Ferragui, comme d’autres artistes, n’a pas abandonné la scène. Mais il n’eut pas de spectacles. L’éthique est de droit. Au bout de ces années météores, la voix au luth reconquiert ses espaces aussi frais. Elle rompt l’absence avec une forte symbolique : un hommage à Matoub Lounès, le premier à être rendu par la chanson kabyle : “Je me reconnais dans son combat, dans son esprit de sincérité et de courage imprégnés de son immense talent”.Est-ce pour que, dans une de ses récentes chansons, il use de l’ironie à l’endroit du fait politique saturé et impuissant à dompter la sauvagerie ? “Au nedj avrid i kunwi, a wid eghran di siasa” (Nous vous laisserons la route, ô vous experts en politique !)“Mais ce n’est pas un désengagement”. Il l’explique à titre de journaliste, c’est un confrère discret sur ce point : “Depuis l’apparition de la presse indépendante et l’ouverture démocratique, la revendication identitaire amazighe n’est plus l’exclusivité de la chanson. Si un artiste touche à la politique, il doit désormais avoir un niveau, s’informer et être de confrontation avec la presse.”

Lynda B.

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