L’ordre est donné de procéder à la démolition de ces demeures de fortune. Ces habitations, conçues alors à la hâte, sont faites de tôle rouillée, d’un assemblage de planches. C’est par voie de justice que les habitants de ces taudis ont été avertis. «En votre présence ou en votre absence, ces demeures seront éradiquées», lit-on en substance dans le pli qui leur a été adressé. Les huissiers de justice et les éléments de la brigade mobile de la police judiciaire étaient les premiers à être sur lieux. Il fait très froid et une pluie fine tombe depuis quelques temps.Premières tentatives des huissiers de justice, pour contraindre les «résidents» à évacuer les lieux, commencent. Peine perdu. La réplique des habitants était bien plus persuasive». Dites-nous où nous allons passer cette nuit et les autres qui suivront ? «Ce n’est pas notre problème, nous avons une mission». Un des citoyens du haut du toit de sa maison brandira l’emblème national : «ça c’est quoi ! Est-ce un vulgaire chiffon ? Nous aussi, nous sommes des Algériens, elle nous appartient et nous avons droit à une vie décente» scandera-t-il. Un autre père de famille, un malentendant, prendra son enfant d’à peine une année et le mettra tout près des huissiers. Un autre interprétera ce geste, «il vous dit de prendre en charge son enfant et lui est prêt à dormir n’importe où». Un autre père de famille soulèvera son fils de quelques mois du haut de sa bicoque, «Où est-ce que je vais mettre cet enfant ? Dites-le moi !» Une femme sort de sa demeure, c’est parait-il la femme d’un ex-maire assassiné par les terroristes. «les terroristes sont mieux respectés que nous, lance-t-elle à l’endroit des policiers et des huissiers. Ils tuent, violent et saccagent et en fin de compte, ils reviennent au sein de la société par la grande porte ! Je suis une victime du terrorisme et voilà où j’en suis», criera-t-elle.Le maire de la ville et le chef de daïra arrivent, pendant que le premier a observé un mutisme inexpliqué alors qu’ils étaient entourés par ces mêmes citoyens qui voulaient savoir quel serait leur devenir, le second a tenté de dialoguer.«Où habitez-vous avant de squatter les logements de la cité 140 logements ? Leur demande-t-il. L’un d’eux lui répondra que «plusieurs d’entre-nous dormaient dans les hammams». «Et comment êtes-vous arrivés à Draâ El Bordj ?», leur demande-t-il encore, la réponse était aussi nette que directe : «C’est le maire ! Il est là devant vous.Qu’ils nous disent le contraire ! Ce sont les camions de l’APC qui ont transporté nos affaires jusqu’ici. Oui, c’est le P/APC qui nous a mis dans cette situation».Le maire, le chef de daïra et l’officier de la sûreté de wilaya se concerteront pendant quelques instants. Difficile de prendre une décision. Toutefois, les ordres sont des ordres et l’officier enjoint, presque à contre-cœur, ses subalternes à les exécuter» leur dira-t-il.Ces derniers vont seconder les ouvriers de l’APC qui auront la «lourde» tâche de démolir le grillage ceinturant les habitations. Ils entament la besogne mais ils seront vite arrêtés par les femmes et les hommes qui se trouvent à l’intérieure de l’enceinte.Pis, encore certains pères de famille ont menacé les démolisseurs à l’aide de briques et de branches. «Celui qui osera encore faire un pas aura ça sur la tête» menacent-il. Les ouvriers s’arrêteront là.Ils seront quelques temps après relayés par les deux engins «mis en veilleuse». Les derniers entameront la démolition alors que les familles se trouvent à l’intérieur de leurs demeures. Les deux engins seront accueillis par des jets de pierres, de bouteilles et autres forces de dissuasion. Les pare-brises voleront en éclats et les conducteurs finiront par reculer à leur tour.En conclusion, cette manifestation contraindra le maire et le chef de daïra à quitter les lieux, laissant les forces de l’ordre à négocier. Ils parviendront à faire admettre aux résidents le fait accompli. El la démolition commence, quant au sort des habitants, il est entre les mains des autorités locales. En attendant.
B. Mechoub
