Tigzirt a toujours …la cote

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En tout, Tigzirt est un curieux amalgame de beauté, d’évasions de soucis et de beaucoup de choses mal ou jamais faites.Lorsque nous y mettons les pieds, la cité nous apparaît coquette et plus au moins bien entretenue. Tigzirt est propre et légèrement enchantée.Le centre-ville est animé d’une intensité modérée. De nombreux passants vadrouillent insoucieux sur l’artère principale fraîchement retapée. Les barreaux métalliques séparant les piétons des voies automobiles ne sont plus là. La ville semble comme respirant mieux, comme se sentant mieux. D’autres estivants, certainement plus nostalgiques préfèrent errer sur le front de mer long d’à peu près 900 mètres, des familles pour la plupart des amoureux aussi. Le premier constat que nous établissons est sans appel : la ville se départit quoique timidement de la morosité à laquelle elle a dû se plier ces dernières années.Vers la mi-journée, la ville terrassée par un soleil impitoyable perd un peu de son entrain. Seuls les plages demeurent animées. Depuis le mythique site des ruines romaines grandement fréquentée à cette heure aussi nous nous offrons une vue splendide sur la Méditerranée.L’îlot de Tigzirt s’érige majestueux en face de vous pour vous taper dans l’œil. Une légère brise, douce et fraîche s’occupe de soulager vos émotions et d’amadouer un tant soit peu la tyrannie d’un soleil devenu plus agressif que jamais. Savourer tout cela assis sur un pilier romain vieux de plusieurs siècles est d’un réconfort absolu si tout cela se déroulait dans un cadre toutefois plus calme et plus agréable. En effet, nous sommes rapidement extirpés de nos rêveries en nous rendant compte que les lieux ne sont pas aussi paradisiaques qu’on le pensait. Deux pelleteuses d’un gabarit immense, s’acharnent sur de grosses masses rocheuses dans le nouveau port de la ville situé juste en contrebas sur la gauche. Le bruit de leur smoteurs et les interminables craquements de leurs bras imposants est agaçant. Par moment des grondements soudains de ces engins vous agressent carrément les oreilles. Derrière nous, de jeunes chômeurs s’affairent à désherber et nettoyer le site. Leurs pioches sont à peine moins bruyantes.Et au beau milieu de tout cela, trois tentes aux allures vétustes sont érigées par des estivants venus d’Adrar et Ouargla. Trois groupes appartenant chacun à des associations distinctes ornent le site pour nous dit-on, y animer l’ambiance. Ils sont ici depuis quelques jours, et ils comptent y rester pour partager l’été avec les Tigziritois et leur estivants.A la beauté insoupçonnable de ce lieu, sont donc venus s’ajouter les éléments d’un décor qui n’aurait jamais dû être là : des ruines romaines cotoyant de gros engins de travaux publics et occupés outrageusement par des touaregs, cela fait un peu trop à la fois.Mais Tigzirt ne semble aucunement s’en offusquer. Elle a appris à vivre avec ses inébranlables contractions même les plus insensées.D’ailleurs, cet étrange alliage ne nous a aucunement empêché de continuer à admirer la vue qui nous est offerte. On décide même d’y rester pour un autre bout de temps. Car depuis l’endroit où nous sommes, formant un minuscule cap dans la baie tigzirtoise la plage du centre, celle de Tassalast à l’ouest et “Feraoun” un peu plus à l’est sont à portée de vue. La plage de la ville sise à quelques encablures en dessous de nous semble être la plus peuplée. Elle est carrément noir de monde. Et pourtant nous ne sommes pas en week-end et la période de congés n’est pas encore entamée. C’est dire que la côte Tigzirtoise a tout de même retrouvé un peu de son lustre. Après les années de terrorisme et celles des instabilités politiques, la ville réapprend à charmer. Elle en a perdu quelques réflexes, mais telle une séduisante jeune femme habituée aux regards et aux compliments des hommes, elle ne peut se permettre de paraître laide. Elle éprouve le besoin constant d’être admirée et pourquoi pas chrie. La meilleure illustration de cet état de fait se trouve justement sous nos pieds au boulevard Front de mer dont les conditions d’accueil ont été améliorées à la hâte, juste pour le plaisir des touristes. La randonnée que nous y faisons ne nous laisse pas indifférents, c’est un vrai régal !

La ville aux mille visagesAprès s’être enquis de l’aspect général de la cité, nous décidons pour de plus amples éléments d’informations de nous entretenir avec le premier magistrat de la ville avec lequel nous avons préalablement pris rendez-vous. Dans son bureau et bien qu’il soit attendu à une réunion “importante” au siège de la daïra M. Ighil Heiz Ferhat a tout de même eu l’amabilité de nous brosser un tableau, quoique exhaustif sur la saison estivale à Tigzirt. “Epaulé” par son premier adjoint M. Bourti,Nos deux interlocuteurs étaient en sus de leur courtoisie courts et directs. Nous n’espérions guère mieux. Grâce à leur coopératon nous avons su que le visage qu’a pu afficher Tigzirt cet été n’a été façonné que grâce à une succession de miracles et de défis plus ou moins bien réussis. Nous apprenons tout d’abord que l’exécutif actuel (à majorité RCD et dont est issu le maire, notre hôte) n’a été installé qu’en janvier dernier au terme d’impitoaybles querelles politiques. Le nouveau staff à donc passé ses trois premiers mois d’exercice à diagnostiquer l’état des lieux général et à s’éclaircir davantage sur la gestion de la cité. Et puisqu’on prépare jamais une saison estivale en avril ou mai (surtout pas à Tigzirt) l’équipe a du se débrouiller comme elle le pouvait pour être au rendez-vous. De fait, et donc l’optique de rendre un peu plus agréable les conditions d’accueil, des actions de volontariat ont été lancés en partenariat avec plusieurs entreprises, lesquelles ont mis leur engins à la disposition de l’APC pour nettoyer le plus gros des détritus qui se sont amassées sur les trois plages de la ville et élargir leurs pistes d’accès. De fait, et puisque les modiques 20 millions de centimes promis par l’APW n’ont jamais atterri dans les caisses de la municipalité (une enveloppe qui, selon le P/APC, couvrirait à peine les frais de la peinture et de la chaux), c’est le wali qui a dû voler au secours de Tigzirt. Ce dernier interviendra personnellement après sa visite dans la localité pour intégrer cette dernière dans le programme “Blanche Algérie” et ce, au moyen d’un dérogation spéciale. Par conséquent, trois équipes de dix éléments chacune ont été déployées exclusivement pour le nettoyage quotidien des plages. Dans ce même sillage, nous avons également appris que M. Mazouz a pris l’engagement de procéder à l’aménagement des plages de Tigzirt dès la prochaine saison estivale qui pourrait bien voir le mode de gestion des plages basculer vers les concessions aux privés, libérant ainsi les APC des lourdes charges financières qu’elles déboursent annuellement. Mais pour cela, le wali a exigé l’installation d’une commission ad hoc qui devrait commencer son travail d’évaluation et de proposition dès… septembre prochain.En clair, il aura fallu toute une gymnastique pour que Tigzirt puisse se faire belle. Au moins pour l’été. Mais au-delà de tout, on a constaté comme une solide volonté de bien faire les choses, loin de toute utopie, loin de toute illusion. Juste avec les moyens de bord. Chose qui nous a été aisément vérifiable en sillonnant la ville et ses ruelles. Ce qui saute aux yeux, c’est la stricte limitation des activités commerciales, notamment pour ce qui est de l’alimentation. Les fast-food, par exemple, qu’on installait n’importe où et où on mangeait n’importe quoi n’existent plus. Cette année, seuls les titulaires de registres du commerce sont autorisés par la municipalité à exercer leurs activités. Les contrevenants ont été sévèrement réprimés par les services de sécurité. L’interdiction formelle a également frappé les loueurs de tentes aux abords des plages. Une décision motivée nous dit-on par le souci de l’APC à changer la réputation de ces lieux du moment que “tout le monde sait ce qui se passe sous ces tentes” selon les propos du maire de Tigzirt. Au final la ville donne l’impression d’être débarrassée de ses maux, mais pas tous. Cette localité, qui accueille jusqu’à 30 000 estivants en week-end et qui gère plusieurs colonies de vacances souffre d’un terrible manque d’eau. Dans certains quartiers, le liquide précieux ne coule dans les robinets que deux heures tous les deux ou trois jours. En dépit des inombrables démarches entreprises par la municipalité, la situation demeure au point mort. Si déplorable que les agents de la voirie communale sont obligés, chaque jour que Dieu fait de troquer leur remorques dès 10h du matin pour des citernes d’eau aux fins d’alimenter les nombreux villages qui entourent Tigzirt.Ce qui est étonnant dans tout cela, c’est que ce handicap ne semble aucunement dévaloriser la ville, encore moins affecter ses conditions d’accueil.Avec l’amélioration de la situation sécuritaire et les efforts déployés pour protéger les mœurs, Tigzirt nous surprend à séduire. Des familles s’y installent joyeusement, insoucieusement pour y passer l’été. Certaines d’entre elles ne retrouvent leur toit qu’après les douze coups de minuit.Telle est Tigzirt la ville aux mille visages. Une ville que nous devions quitter, non sans regret, pour rendre visite à sa concurrente directe sur la côte kabyle. Azeffoun

A suivreA.B.

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