Un photographe patriarche de la culture

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Voulez-vous visiter la caverne d’Ali Baba ? Elle est sise au 24, rue Didouche-Mourad, Alger. Ce n’est ni une bijouterie garnie de bracelets et de chaînes d’or, ni le magasin d’un antiquaire orné de belles pièces, mais un lieu beaucoup plus précieux que cela. C’est la galerie de photographie Khelil, où sont exposées la raison et la folie de l’homme, son passé et son devenir, son héritage divin et l’eau usée qui s’infiltre dans son fleuve de vie. Cette philosophie poétique est l’œuvre du maître Abdessalem Khelil.Le génie de l’artiste photographe, dont les racines s’enfoncent dans l’arable terre de la culture orale, s’amalgame à cette exposition de dix (10) œuvres de différents formats et en noir et blanc, dont les scènes prises dans le sud algérien sont d’une envergure universelle, car elles sont humaines…

L’homme dans la photo “khelilienne”Six (06) portraits sont accrochés aux murs de la galerie. L’habillement traditionnel de l’homme du désert, comme ses coiffures spécifiques, démontre l’originalité des idées. Tantôt le regard des personnages se dirige vers le visiteur et lui transmet un message direct, celui du bouleversement intérieur, tantôt se détourne et emporte qui le suit vers d’autres découvertes sous-jacentes dans le monde. Sur l’une des photos, le personnage est un enfant pris de dos, contemplant un interminable paysage désertique où la végétation est presque inexistante. L’enfant, “personnage de papier”, tourne le dos au personnage réel (le spectateur). Il regarde donc dans la même direction que lui. Il se tient entre lui et le paysage. Ainsi, il le lui montre, il le ramène jusqu’à lui et le laisse comprendre l’intimidation de la nudité. Dans une autre photographie, petite et de forme ronde, une femme portant un fagot de bois se tient sur une route qui pénètre des propriétés agricoles. Le personnage ici semble marquer un arrêt et se retourne pour accueillir le consulteur de l’œuvre dans cette oasis qui regorge d’arbres et de végétation, donc de bonheur et de liberté. Voilà comment le personnage humain dans la photographie khelilienne joue un rôle prophétique dans l’émission des messages révélateurs.

“L’historien est un prophète qui regarde en arrière” (Henri Heine)Revenant aux portraits. Le choix de personnages photographiés, de différents âges et sexes, est fait dans la mesure d’exprimer l’empreinte du temps. Les rides sur les visages adultes en sont un témoignage. Le relief qu’elles produisent en contrastant les ombres est le miroir du passé qui construit le présent.Parler du passé, serait-il le vivre au lieu du présent ? Certainement pas. Maître Khelil est semblable à Zaratoustra de Nietzches qui retourne aux bois pour revenir surhumain : il répudie un répugnant présent pour reconstruire un temps meilleur. Tel Avicène, il soigne la culture des parasites qu’introduisent les mauvaises volontés.Il vous rappelle la forêt pour vous faire comprendre le désert, la haire du village pour vous enseigner les Champs-Elysées… Pour mieux concevoir cela, la galerie de l’artiste l’expose aussi par le décor (dont lui-même a assuré la conception et la réalisation) : petit banc de “thajmaâth”, sable du Sahara, bureau sous forme, rappelant la voûte du dos de l’âne… parce que l’âne prophétise aussi sa vertu pour ceux qui ignorent celles des Mercedès qu’ils conduisent.

Mohamed Mahiout

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