»Je n’ai pris part à aucun crime » dans la Waffen SS

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l L’écrivain allemand Günter Grass a évoqué longuement jeudi soir dans une interview à la télévision son « aveuglement » de très jeune Allemand pour le régime nazi et Adolf Hitler, en assurant qu’il « n’avait pris part à aucun crime » dans la Waffen SS. Cette phase honteuse « était enfouie en moi » et « m’a toujours obsédé », a-t-il dit lors d’une émission littéraire de la chaîne publique ARD, reconnaissant qu’il en parlait « très tard ou trop tard ». Mais, a-t-il ajouté, « ce que j’ai fait comme écrivain et citoyen de ce pays » était exactement « le contraire » de cette période. L’auteur du « Tambour » a expliqué avoir été plongé encore enfant « dans un emprisonnement idéologique », être entré à la Waffen SS « sans sentiment de faute », et avoir été victime d’un « aveuglement » depuis ses douze et treize ans, notamment en croyant que des mouvements comme les SS avaient un rapport direct au Führer. « Dans mon aveuglement de jeune Hitlérien, je n’ai pas posé de questions dans des situations particulières », a-t-il déploré, après par exemple qu’un oncle polonais eut été fusillé par les nazis à Dantzig. Le désir d’être « un héros a peut-être joué un rôle » dans l’engagement militaire, mais aussi la volonté de fuir « l’étroitesse du logement familial », a dit l’écrivain engagé depuis soixante ans à gauche et proche du Parti social-démocrate (SPD). Grass a affirmé qu’il n’avait pas été confronté dans sa famille à des attitudes antisémites. Dans l’Allemagne nazie, a-t-il rappelé, « il n’y avait pas de pogrom, tout s’est passé par calcul », a-t-il dit, en affirmant n’avoir pas su les crimes des nazis et « n’avoir pu d’abord accepter » ce qui était révélé après-guerre, en y voyant de la « propagande ». « En ce qui concerne les crimes vérifiables, il n’est rien arrivé de la sorte », a-t-il insisté au sujet de son unité SS, en indiquant qu’elle avait été deux fois mêlée à des combats sur le front russe. En lisant son livre autobiographique « En épluchant les oignons » sorti mercredi en librairie, « les lecteurs doivent se faire eux-mêmes une idée » de sa vie, a dit Grass, ajoutant que s’il comprenait « le bien fondé » de certaines critiques, il demandait aussi une lecture attentive de ce livre. « J’ai fait de mon silence un thème de ce livre, je n’ai pas cherché à fuir ce thème », a-t-il plaidé, s’interrogeant lui-même sur les raisons de cette longue omission, alors qu’il dénonçait chez les politiciens de la RFA les compromissions avec le nazisme. Interrogé sur le point de savoir s’il y avait une faute collective des Allemands, il s’élève contre « les jugements globaux » pour une génération plongée dès la naissance « sans alternative » dans le national-socialisme. Le Prix Nobel de littérature dont la jeunesse est liée à la ville de Dantzig, devenue aujourd’hui Gdansk, a rejeté la demande du Prix Nobel de la Paix, le Polonais Lech Walesa, de renoncer à sa distinction de citoyen d’honneur de la ville, en affirmant qu’il avait joué « très tôt et dans des conditions difficiles » un rôle de « pont » pour la réconciliation entre la Pologne et l’Allemagne dans ses oeuvres et ses engagements politiques. « Je ne vois aucune raison de renoncer à cet honneur », a-t-il dit. Revenant sur sa virulente condamnation en 1985 de la venue du chancelier Helmut Kohl et du président Ronald Reagan au cimetière de Bitburg, où étaient enterrés des Waffen SS, il a expliqué avoir voulu protester contre « l’utilisation des morts » dans le cadre d’un « acte de propagande ». Vendredi, la Fédération des expulsés allemands (BdV) a appelé l’écrivain allemand Günter Grass à verser la totalité des recettes issues des ventes de son autobiographie aux victimes du nazisme en Pologne après ses révélations sur son enrôlement dans la Waffen-SS. « Comme geste de réconciliation, il devrait faire don de la totalité des recettes issues de la vente de son livre aux victimes du nazisme en Pologne », a estimé la présidente de la BdV, Erika Steinbach, dans le quotidien populaire allemand Bild. Parue mercredi en Allemagne, en Autriche et en Suisse, l’autobiographie était déjà quasiment épuisée en librairie jeudi, selon une porte-parole de l’éditeur Steidl. « Beim Häuten der Zwiebel » ne devait initialement être publié que le 1er septembre, mais sa maison d’édition avait décidé mercredi d’avancer la publication en raison du scandale.

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