»L’écriture est un art laborieux »

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La Dépêche de Kabylie : Vous dites que vous n’êtes pas influencé par Feraoun ; pourtant, en lisant votre roman, on ne peut s’empêcher de penser aux romans de Mouloud.Rabah Ioumert : Je reconnais que Mouloud Feraoun est un grand écrivain, bien plus, il est considéré à juste titre comme une icône. Sa trilogie, à savoir : Le fils du pauvre, La terre et le sang et Les chemins qui montent, est merveilleuse, elle s’attarde plus particulièrement sur tout ce qui a trait à la misère et la beauté des montagnes kabyles, exactement comme le roman que je viens de publier, Les montagnes de la douleur, qui insiste plus particulièrement sur la pauvreté souvent proche de la misère des montagnards kabyles. De même, on ne doit pas oublier les beaux textes de Belaid Ait-Ali, qui sont d’une clarté et d’une limpidité extraordinaires, lui aussi avait abordé les mêmes sujets. Belaid Ait-Ali nous a quittés prématurément, s’il avait vécu longtemps, il serait devenu un immense écrivain.Pour revenir à votre question qui est d’une grande subtilité, je dois avouer que même si Feraoun n’avait jamais existé, j’aurais écris de la même façon. Votre livre a tout l’air d’être une autobiographie romancée, est-ce que vous confirmez cela ?Effectivement, il existe dans le roman quelques passages qui sont susceptibles de faire penser à cela, mais la vérité est toute autre. Néanmoins, j’admets que certains personnages évoqués dans le livre ne nous sont pas étrangers. On a souvent reproché aux écrivains de la région de cantonner leurs romans à la seule Kabylie. Est-ce un tort d’après vous ?Je préfère ne pas répondre à cette question, car ceux qui se complaisent à formuler de tels propos ont, bien entendu, un but inavoué, à savoir créer un climat malsain et délétère. Je dirai même que ces énergumènes ne sont, en définitive, que des semeurs de trouble et de haine. Ma réaction et mon attitude ne me sont dictées que par le souci qui consiste à éviter d’ouvrir la boite de Pandore et réveiller les vieux démons du régionalisme, chose qui avait fait trop de mal à notre pays.

Est-ce qu’on peut savoir quand et comment est née l’idée d’écrire le roman, sachant que votre métier ne concorde pas tout à fait avec l’écriture ?Depuis mon adolescence, l’idée d’écrire n’a jamais quitté mon esprit. J’ai réalisé ce projet tardivement, c’est bien vrai, puisqu’aujourd’hui, j’ai cinquante trois ans, mais comme on dit, mieux vaut tard que jamais. L’idée d’écrire a germé dans mon esprit plus précisément en 1979, date à laquelle j’ai subi un test de langue française au Centre culturel français à Alger. Ce jour là, j’ai été admis en obtenant l’une des meilleures notes, à l’oral et à l’écrit, et j’ai même été félicité par les organisateurs, ce qui, bien évidemment, m’a énormément encouragé, sachant bien que les Français sont rigoureux et n’offrent donc pas de cadeaux en matière de correction. Bien que mon métier (sous-directeur dans une entreprise nationale) ne concorde pas tout à fait, comme vous avez bien voulu le souligner, avec l’écriture proprement dite, il se trouve, toutefois, que je lisais beaucoup, et voue un grand amour à la bonne littérature, et lorsque je dis cela, je pense particulièrement à Albert Camus et Jean-paul Sartre. Quant aux écrivains algériens, c’est à dire les nôtre, ma préférence va tout droit au regretté Rachid Mimouni. Pour publier votre livre vous avez buté sur de nombreux obstacles. Racontez-nous comment votre roman a pu être édité ?Toute personne désirant s’exercer dans le très laborieux art de l’écriture bute inévitablement sur d’innombrables tracasseries, et moi aussi, comme tout nouvel écrivain, je n’ai pas échappé, non plus, à cette règle. Néanmoins, comme je suis habité par une grande ténacité, je suis arrivé, non sans peine, à surmonter ce handicap aussi coriace fut-il. Etes-vous sur un autre roman ? De quoi parlera-t-il ? Mon prochain roman sera à caractère autobiographique. Il évoquera bien sûr les membres de ma famille morts ou vivants, et tous ce qui s’y rattachent. Il parlera avec respect de mon grand-père qui était de son vivant un homme sage, intègre et honnête. Il sera aussi axé sur le lourd souvenir d’un homme qui avait ruiné son père et ses enfants. Les gaucheries et les mauvais agissements de cet homme étaient tellement d’une grande ampleur, qu’aussi longtemps qu’aura à durer mon existence sur cette terre, je serai toujours hanté par les frasques ô combien démesurées et incommensurables de cet individu qui a fait boire le calice jusqu’à la lie à son père et à sa progéniture. Est-ce que votre roman se vend bien ?Absolument ! et je ne m’attendais pas du tout à un tel succès, les débuts sont plutôt prometteurs, et tant mieux !

Entretien réalisé parAomar Mohellebi

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