Halte au massacre !

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Décidément, écrire pour publier en tamazight, ou à propos de tamazight est un exercice qui dépasse largement, très largement, la sphère universitaire qui, du reste, demeure avare en termes de publications. Cet engouement tous azimuts vers le asekkil amazigh est, logiquement, matière à fierté et est normalement aussi un fort indicateur de la bonne santé de la culture berbère. Hélas, non ! Le monde de l’édition est aussi, plutôt surtout, ouvert à la médiocrité. Il est question là d’éditeurs qui gèrent leurs entreprises comme de vulgaires échoppes de frites-omelettes. Ainsi, si vous avez une maîtrise approximative du graphème latin, quelque chose à dire (pas forcément intelligent), le fantasme démesuré de devenir “écrivain” et surtout et c’est le plus important, des dinars pour payer l’imprimeur et l’ouverture d’esprit de l’éditeur, “l’échoppe” vous ouvre grands ses bras.A la limite, quand il s’agit de poésies, de romans et autres nouvelles, la publication ne pose pas vraiment de problème, puisqu’elle est adressée à un public relativement averti qui ne se gênera pas à boycotter l’œuvre et du coup remettre à sa place l’auteur mal inspiré qui ne risquera pas de récidiver.Là où publier la médiocrité devient un crime, c’est lorsque la publication s’adresse au monde scolaire, un monde pour qui, et plus que quoi que ce soit, le livre est le sacro-saint argument suprême. La publication en tamazight qui lui est destinée est largement prisée pour cause de manque de support pédagogique. Le filon inspire essentiellement d’illustres inconnus qui s’improvisent lexicographes et grammairiens pour aller perturber, voire remettre en cause, l’ensemble des connaissances assimilées par des élèves encadrés par des enseignants dont la formation pédagogique est de plus en plus solide. Parmi ces perturbateurs, et il y en a certainement d’autres, l’auteur de “Mon dictionnaire trilingue (tamazight-arabe-français) paru aux éditions Nouvelle Edition. D’emblée, ce qui est inconvenable d’appeler dictionnaire commence par un verset coranique : “Et parmi ses signes la création des cieux et de la terre, la diversité de vos idiomes, de vos couleurs. Il y a en cela des preuves pour les savants (byzantins, verset 22)”. Ainsi, l’auteur commence par justifier son “dictionnaire” et en filigrane s’excuser auprès d’on ne sait qui. Dans ce qu’il appelle introduction, il affirme que “la langue berbère que nous appelons “tamazight” (pourquoi les guillemets?) qui constitue le contenu de ce dictionnaire est la langue usuelle des régions de l’Afrique du Nord”. Vous l’avez relevé, le contenu de ce “dictionnaire” constitue tamazight. Pas moins que ça !Mais bon, passons ! Comme on l’aurait fait pour la langue française, les mots censés constituer le amawal amazigh sont répertoriés par ordre alphabétique. Déjà, l’auteur ignore que c’est à partir de la racine du mot amazigh qu’est répertorié le contenu du amawal. Repassons ! Douze ans après l’introduction de tamazight à l’école, c’est-à-dire au moins douze ans après l’usage d’une orthographe conventionnelle et digérée par l’école, le “dictionnaire” opte pour une orthographe que seul l’auteur comprend. Mais la palme en matière d’insensé revient au sens que donne le dictionnaire aux mots. Par exemple, “fru” qui hors d’un contexte veut dire trier, “l’œuvre” retient “concilier”. “Ddez”, un autre mot qui veut dire “pilonner” et, à un degré moindre, “marteler”, le dictionnaire lui donne le sens de “castrer”. “Dderbez” qui a le sens de s’engouffrer devient “tomber”. “Ftel” qui veut dire “rouler du couscous” prend le sens de “visser”. Il va même, par un coup de tête, amazighiser des expressions latines. In vivo devient g tudert et in vitro, g usenid. La liste est plus longue que vous ne le croyez. Le dictionnaire pousse son génie jusqu’à inventer des mots sur la base d’on ne sait quoi. D’habitude, en conclusion d’une fiche de lecture, nous invitons nos lecteurs à lire l’œuvre présentée. Cette fois-ci, c’est avec regret que nous les invitons à ne pas acheter “Mon dictionnaire trilingue (tamazight-arabe-français)” et à faire passer le mot.“Mon dictionnaire trilingue tamazight-arabe-français”, paru à Nouvelle Edition

T. Ould Amar

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