Le grand voyageur de la littérature

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Il vient d’avoir 80 ans. Michel Butor s’est distingué par ses livres mais aussi par ses voyages. La Bibliothèque national de France lui a récemment rendu hommage. Elle a tenté de raconter l’écrivain à travers des expressions graphiques et surtout en s’inspirant de ses nombreux voyages. Michel Butor est né le 14 septembre 1926, dans la banlieue de Lille. Son père, Emile Butor, travaillait dans l’administration des Chemins de fer du Nord, mais était passionné de dessin, aquarelle et gravure sur bois. En 1929, la famille vient s’installer à Paris où le jeune Michel fera toutes ses études, à l’exception de l’année 1939-1940, celle de la “drôle de guerre”, passée à Evreux. Troisième d’une famille de sept enfants, aîné des garçons, il bénéficiait d’une quasi-gratuité pour les voyages en chemin de fer et trouvait que l’on n’en profitait pas assez. Après des études de lettres et de philosophie, ayant échoué à plusieurs reprises à l’agrégation, tout en servant de secrétaire à Jean Wahl pour le Collège de philosophie, ce qui lui permet de se frotter à maints intellectuels d’alors, il enseigne quelques mois au lycée Mallarmé à Sens, puis profite d’un essai de réforme de l’enseignement égyptien pour traverser la Méditerranée avec un certain nombre de licenciés ès lettres, et se retrouve professeur dans la vallée du Nil entre les pharaons et les ermites. Puis il saisit une opportunité de devenir lecteur à l’université de Manchester en Angleterre. Difficile changement de climat. Possédé depuis longtemps par le démon de l’écriture, il publie ses premiers romans aux éditions de Minuit, par l’intermédiaire de Georges Lambrichs.Les voyages continuent, à la fois professionnels et exploratoires : Grèce, Suisse où il rencontre Marie-Jo qu’il épouse en 1958. Viennent rapidement trois filles, suivies un peu plus tard d’une quatrième. Prix littéraires, travail chez des éditeurs, un peu de vie parisienne, conférences ici et là. Nombreux voyages aux Etats-Unis. Après Mai 68, il tente une rentrée dans l’enseignement universitaire français, ce qui l’amène à s’installer à Nice au retour d’une année au Far West. Puis il est nommé professeur à la faculté des lettres de Genève. Les livres s’accumulent apportant chaque fois la surprise ; essais, récits du jour ou de la nuit, poèmes, nouvelles combinaisons de tout cela, ils font le désespoir des esprits routiniers ; les collaborations se multiplient avec peintres, musiciens, photographes. Séjours au Japon et en Australie ; voyages en Chine. Retraité depuis 1991, il vit désormais dans un village de Haute-Savoie. Tout en continuant à courir le monde, il s’efforce de mettre un peu d’ordre dans ses papiers et dans sa tête. Pour revenir à la manifestation de la Bibliothèque de France c’est plutôt un point de repère intéressant. C’est une exposition d’un autre genre. C’est le parcours impressionnant d’un écrivain à travers plusieurs haltes faites de peintures, de voyages, d’amitiés et d’écritures. La petite galerie du site François Mitterrand a abrité du 20 juin 2006 jusqu’au 27 août 2006 ce rendez-vous culturel qui a captivé, à coup sûr, les admirateurs de l’auteur de “la Modification” (prix Renaudot en 1957). Compartimentée en plusieurs coins, par des tissus qui donnent une impression de brouillard, la petite galerie a fait voyager. Michel Butor lui-même est un grand voyageur. L’Egypte, l’Australie, les Etats-Unis d’Amérique furent des endroits qui ont nourri son œuvre. Le voyage est également présent grâce aux cartes que l’écrivain reçoit de ses amis installés ailleurs : Alger, le Caire et bien d’autres villes…Ces envois postaux constituent une certaine restitution de l’histoire contemporaine et rappellent des épisodes que la mémoire a tendance à oublier. L’exposition a donné à voir des peintures, des photos souvent en noir et blanc et des créations graphiques de différents genres. Les éditions originales de livres ont été également offertes au regard du visiteur. «Le livre est tellement essentiel pour moi que tout voyage devient une méditation sur lui. Ainsi lors de mon premier voyage au Japon, j’ai été fasciné par un certain nombre de classiques de l’art japonais qui sont sous forme de rouleaux. Au retour, j’ai imaginé des livres sous cette forme. Nous avons aussi fait des éventails. Mes voyages ultérieurs au Japon et en Chine n’ont fait qu’approfondir cette influence», confie Michel Butor à Chroniques de la Bibliothèque nationale. Intitulée : l’écriture nomade, cette exposition fait rêver. «C’est le rêve d’une écriture qui se renouvellerait constamment, ne s’installant que provisoirement dans un lieu, même si on a bien l’intention d’y revenir. C’est une impatience par rapport aux frontières qui me fascinent mais qu’il me faut trouver le moyen de traverser. Il ne s’agit pas seulement des frontières entre les Etats, mais de celles entre les arts, les sciences, toutes les activités de l’esprit. Il s’agit d’établir et de maintenir une circulation aussi généreuse que possible», soutient Michel Butor.

Farid Aït Mansour

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