Scientifique de formation et de job, elle est aussi un auteur de polars qui font fureur.

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D’un succès à un autre, Fred Vargas continue à s’imposer comme un écrivain efficace de romans policiers. Son tout dernier, Dans les bois éternels, est classé, depuis quelque temps, en France, parmi les livres les plus vendus… Tout commence dans un jardin où le commissaire Adamsberg s’échine à construire un muret. Son voisin n’a de cesse de l’épier jusqu’au moment où il se décide à engager la conversation. Le vieux Lucio explique alors à Adamsberg qu’il aurait mieux fait de renoncer à acheter cette maison de la rue des Muettes : elle est hantée par Clarisse, la revenante du couvent qui y sévit depuis deux siècles.En attendant, le patron de la Crim’ a d’autres préoccupations. Les Stup’ veulent lui soutirer deux cadavres. Deux petits délinquants retrouvés avec de la terre sous les ongles. Et puis il y a le Nouveau qui passe son temps à parler en alexandrins, cette femme médecin légiste resurgie d’un lointain passé, et Camille, son ex, avec qui il a raté quelques trains…Une fois de plus, le miracle Vargas s’accomplit. Le dixième «rompol» – traduisez : roman policier – de la reine Fred est un grand cru. Et Adamsberg, le héros subtil et l’héritier prodigue de la dynastie des polars métaphysiques. Fred Vargas est née à Paris en 1957 d’une mère scientifique et d’un père intellectuel, véritable encyclopédiste humaniste, comme elle se plait à le décrire. Fred est le diminutif de Frédérique. Vargas est son nom de plume pour les romans policiers, pseudonyme emprunté au nom d’artiste peintre de sa sœur jumelle, Jo, choisi en référence à Maria Vargas, rôle tenu par Ava Gardner dans La comtesse aux pieds nus. Jo, sa première lectrice, tente d’effacer les doutes qui assaillent parfois sa sœur. Passionnée par les fouilles depuis sa plus tendre enfance, Fred passe son bac et se lance dans des études d’Histoire. Elle s’intéresse à la préhistoire, puis choisit de concentrer ses efforts sur le Moyen Âge. Elle devient archéologue médiéviste. La personnalité et l’enseignement de son père ont tenu un rôle déterminant dans sa formation. Éprouvant le besoin de se trouver une autre occupation que son travail, elle s’essaie à l’accordéon sans grand succès. Finalement, en 1986, elle publie son premier roman policier ou «rompol», comme elle qualifie elle-même ses oeuvres.En 1996, on décerne le premier prix du festival de Cognac à son premier roman : Les jeux de l’amour et de la mort, (éditions du Masque). En 1992, elle rencontre la maison d’éditions Viviane Hamy, qui deviendra son éditeur attitré.Une similitude est certaine entre sa profession de tous les jours et le roman policier: l’empreinte et l’enquête. Et c’est au tour de ses personnages de fouiller et de gratter derrière l’apparence des choses. Dans ses polars, Fred Vargas recherche avant tout le son des mots. «Un livre, c’est aussi une construction musicale», dit-elle pour justifier ses fantaisies verbales. Elle compare le polar à une tragédie grecque : «Il doit servir à mettre en scène le bien et le mal, à parler du monde qui est le nôtre pour atténuer nos angoisses.»Fred Vargas mère d’un petit garçon vit à Paris. Elle garde ses habitudes et continue son chemin. Pars vite et reviens tard, sorti en 2001, est un texte qui a marqué de nombreux lecteurs en France et ailleurs. « Que voulez-vous que je vous dise ? Je suis née de père et de mère, c’est déjà ça de pris. Sachez que mon frère aussi est né de père et de mère, c’est une tradition dans la famille, chacun son truc. Je n’étais pas toute seule dans l’œuf : ma soeur jumelle était là qui m’a tenu compagnie dans le petit habitacle maternel durant huit mois. Elle est née dix minutes avant moi, c’est là un détail passionnant, et puis j’ai suivi. Nous voilà donc dehors, à Paris, un 7 juin, qu’est-ce qu’on va faire ? C’est passionnant. On nous noue d’urgence des bracelets de couleur aux poignets pour ne pas nous confondre. On nous prénomme : Joëlle pour ma jum’ (qu’on appelle aussitôt « Jo » par flemme, certainement) et Frédérique pour moi (qu’on appelle illico « Fred » par flemme, je suppose). Mon frère Stéphane avait été nommé « Steph » par flemme, je présume. Dans la famille, on est assez économe sur les prénoms, chacun sa manière. Quand je vous dis que tout cela est passionnant, vous voyez que je ne vous raconte pas des blagues.Je ne me suis pas quittée, avec ma jumelle, si vous me suivez bien. Tout ce qu’elle savait faire, je ne le faisais pas et vice-versa. Ainsi, pas de rivalité en vue, et une grosse économie d’énergie, une astuce formidable. Si bien que je suis devenue à moitié compétente dans les choses de la vie, et elle de même. Je poursuis cette histoire qui, je le sais, vous tiens en haleine : Jo s’est mise à peindre très tôt, j’ai lâché le crayon aussi sec. Sans vocation, j’ai tourné coté sciences, archéologie médiévale. Je suis toujours archéologue, et ma sœur est toujours peintre. Je discute ses tableaux comme elle corrige mes textes. Ah oui, le polar, j’oubliais. Pour me divertir de temps à autres du Moyen Âge, je voulais faire de l’accordéon (si vous avez suivi la logique de cette époustouflante histoire, vous aurez déduit finement que ma jumelle était portée coté musique classique, et donc, moi, accordéon). Je me suis acharnée sur cet instrumentpendant dix ans, avec une absence de talent stupéfiante. Un beau soir, émergeant d’un chantier de fouilles, j’ai trahi mon accordéon, qui me le rendait bien, et j’ai fait l’acquisition d’un cahier propre et d’un feutre neuf pour écrire un polar. Allons-y. J’ai continué.Un autre beau soir, ma sœur m’a dit : « Pourquoiécris-tu ? ». Et j’ai fait cette réponse, devenue historique : « Je ne sais pas ». Je ne sais toujourspas. Pas mal, non ? », confie cette écrivaine de talent.

Farid Ait Mansour

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