Bien qu’il soit très difficile, voire impossible de faire des pronostics, l’Académie suédoise ayant toujours surpris pour ce genre de prix, l’espoir de voir Assia Djebar choisie est permis. Même dans le cas contraire, le fait de la savoir favorite est déjà un acquis pour la littérature algérienne et maghrébine en général. Tahar Ben Jelloun étant le seul écrivain maghrébin à avoir obtenu le Goncourt en 1987 pour La nuit sacrée. Assia Djabbar siège au sein de l’Académie française depuis une année. Ce soir, on saura qui sera le prix Nobel de littérature 2006. En attendant, spéculations, devinettes et espoirs vont bon train l’annonce de ce prix est l’occasion pour les cercles littéraires de faire des pronostics, on retrouvera cette année encore l’Américain Philip Roth, l’Israélien Amos Oz ou le Syrien Adonis donnés favoris. Fidèle à la tradition, l’Académie suédoise qui décerne chaque année la prestigieuse récompense depuis la création des Nobel en 1901, fait preuve d’un mutisme absolu.
« Il semble que nous soyons désormais très hermétiques, autrefois l’Académie fuyait comme une passoire », plaisante son secrétaire perpétuel Horace Engdahl. Aucune liste des nominés ne doit quitter l’instance, et ses membres, tenus au secret, sont priés d’utiliser des noms de code s’ils évoquent les nobélisables dans un lieu public. L’année dernière, ils parlaient ainsi de Harry Potter, pour ne pas citer Harold Pinter, le dramaturge britannique qui a obtenu le prix en 2005, a confié M. Engdahl à un quotidien suédois.
Chacun se livre donc au jeu des devinettes. « La seule chose qui soit très claire, explicite, c’est que la littérature de témoignage a le vent en poupe », estime Jonas Axelsson, éditeur chez les éditions “Bonnier”, l’une des plus grosses maisons de Suède.
« Nous avons souvent pensé que des écrivains provenant de différentes régions en proie à la guerre pouvaient être primés », explique-t-il affirmant que pour cette année, « Amos Oz serait très approprié ». Selon cet éditeur, l’attribution du prix au Hongrois Imre Kertész en 2002 puis au Sud-africain J.M. Coetzee en 2003 révèle l’intérêt de l’Académie et particulièrement de son secrétaire perpétuel, pour cette « littérature témoignant d’une réalité ». D’après M. Axelsson, le Tchèque Milan Kundera et Philip Roth, un « nobélisable » cité depuis des années, sont également très bien placés.
Pour obtenir le prix, un lauréat doit avoir déjà figuré sur la petite liste de l’Académie, explique-t-il. « Je suis certain que ces deux écrivains ont été sur la liste », dit-il. Selon Stephen Farran-Lee, de la maison d’édition “Norstedts”, l’Américaine Joyce Carol Oates « est l’auteur américain le mieux placé ».
Mais pour lui, le poète syrien Adonis, pseudonyme d’Ali Ahmad Saïd Esber, et le Turc Orhan Pamuk sont les favoris. Il exprime aussi son désir de voir récompenser le Japonais Haruki Murakami. »Les choix de l’Académie sont devenus moins prévisibles avec les années (…). Dans les années 80, on avait le sentiment qu’ils avaient un ordre du jour (…) établi en fonction des continents, des genres, des sexes (…) maintenant, on ne sait jamais ce qui va se produire », explique M. Farran-Lee. « Ils ont réussi à surprendre le monde entier l’année dernière avec Pinter, je suis sûr qu’ils peuvent encore nous surprendre! », met-il en garde.
Dans les milieux littéraires, on cite le Péruvien Mario Vargas Llosa, le Suédois Tomas Tranströmer, le Français J.-M. G. Le Clezio, ou une femme comme l’Algérienne Assia Djebar ou la Britannique Doris Lessing comme possibles lauréats.
Selon Gunilla Sandin, responsable du programme du salon du livre de Göteborg (côte ouest), le sexe n’est pas un aspect pris en compte par les Académiciens.
« Même s’il ne faut pas fonder son jugement littéraire sur le sexe, il est tout de même temps qu’une femme ait le prix », glisse-t-elle.
Le Sud-Coréen Ko Un, le Néerlandais Cees Noteboom, le Mexicain Carlos Fuentes sont eux aussi bien placés au palmarès de la rumeur, tout comme le Britannique d’origine indienne Salman Rushdie et le Polonais Ryszard Kapuscinski. Comme les autres Nobel, le prix de littérature est doté cette année de dix millions de couronnes suédoises (1,08 million d’euros).
A.M.