Après l’approbation de l’avant-projet de la loi de Finances le 29 août dernier par le Conseil du gouvernement, tous les médias se sont empressés de relever la supériorité du montant alloué au budget d’équipement (2020 milliards de dinars) par rapport à celui consacré au budget de fonctionnement (1528 milliards de dinars) ; ce dernier ne représentant que 43% du total du budget 2007. De prime abord, cela donne une lecture optimiste sur l’évolution de l’utilisation de l’argent de la collectivité- dont une grande partie est issue des recettes des hydrocarbures, ce qui signifierait rationalisation des dépenses du fait qu’elles sont plutôt dirigées majoritairement vers les projets de développement pilotés par l’administration publique. Ces projets touchent tous les secteurs d’activité depuis les affaires religieuses jusqu’aux chemins de fer, en passant par les ouvrages hydrauliques et l’autoroute. L’on a beau se réjouir de la place modeste que prend le budget de fonctionnement dans l’avant-projet de la loi de Finances 2007, on ne peut s’empêcher de réfléchir à la manière dont seront pris en charge les projets inscrits dans le cadre du PCSC (Plan complémentaire de soutien à la croissance), des Hauts-Plateaux et du Sud en matière de pilotage et de management. Le diagnostic de l’état de santé de l’administration algérienne n’est pas des plus reluisants. Elle a perdu, au cours de la décennie écoulée,- suite au système de retraite anticipée précipitamment mis en place aussi bien dans l’administration que dans le secteur public économique- la fine fleur du personnel technique et administratif, formé pendant les années 70 et ayant accumulé un précieux capital-expérience. La vacance ainsi créée a été partiellement comblée par le recrutement des jeunes cadres issus de l’École fondamentale et ne disposant d’aucune expérience professionnelle. En fragilisant un peu plus l’ossature de la Fonction publique, le nouveau statut y afférent ne lui donne pas les moyens de sa politique pour affronter les nouveaux défis économiques, législatifs et réglementaires qui se posent à l’Algérie. Déjà bien mal en point et traînant la mauvaise réputation d’être une lourde machine bureaucratique, l’administration algérienne a très peu de prédispositions à manager des projets de grande envergure. Ses démembrements au niveau des wilayas et des communes sont exposés à tous les aléas- du fait de la régression sociale et du recul des compétences- qui font du fonctionnaire un candidat tout désigné à toutes formes de dérives, à commencer par celle qui a gangrené toute la société, la corruption. Lorsqu’un technicien ou ingénieur de l’administration qui fait le suivi d’aménagement de route ou de construction d’un bâtiment touche 16 000 dinars et que, pour se rendre sur le chantier, il monte dans le véhicule de l’entrepreneur parce que sa direction n’est pas capable de lui mobiliser un véhicule de service, il faudrait être un oiseau rare ou un bel ange pour résister à la sollicitation.
Une administration valétudinaire et saignée par le départ des compétences et à laquelle sont confiés des méga-projets- 120 milliards de dollars de projets de développement- financés par la rente pétrolière ne peut décidément pas faire de miracles. Par conséquent, la différence de montant entre le budget de fonctionnement et le budget d’équipement- exagérément montée en épingle ces derniers jours- ne signifie pas, ipso facto, une maîtrise des dépenses publiques. Les projets pour lesquels ne sont pas préparées les ressources humaines et qui souffrent de simples impondérables liés à l’intendance et à la logistique qu’exige le suivi sur le terrain voient nécessairement peser sur eux la plus grande des incertitudes.
Amar Naït Messaoud
