Un œil sur la chorba, un autre sur l’Aïd

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Quelques dizaines de minutes seulement après la rupture du jeûne, les familles algéroises investissent les ruelles pour se détendre et tenter d’oublier une dure journée de privations, de frénésie, souvent « entachée » de disputes.

Certes, d’habitude, et une fois les esprits retrouvés, c’est la quête d’une ambiance conviviale avec les parties de dominos autour d’un thé ou d’un café mais, à huit jours de l’Aïd el Fitr, les comportements acquis durant ce mois sacré commencent à disparaître pour laisser place à une préoccupation majeure, celle de faire face aux dépenses de la fête.

Hier, ce sont des familles au complet qui ont pris d’assaut les magasins de vêtements et autres babioles pour enfants, à l’image de la rue Ben M’hidi où il était quasiment impossible de se frayer un chemin. Les achats de l’Aïd ont bel et bien commencés. Les trottoirs sont noirs de monde, et certains éprouvent malin plaisir à obstruer « la route » en restant figé devant les vitrines des grands magasins d’habillements.

A l’intérieur, ce n’est pas la joie : les prix sont inaccessibles pour les maigres bourses. Une dame, la quarantaine dépassée, accompagnée probablement de ses deux petits-enfants, a même piqué une crise. « Ce n’est pas du tout loyal : une petite paire de chaussures et un jeans pour enfant se chiffrent à 3 500 DA. Mais rien à faire, c’est toujours comme ça. »

Aziz, un jeune salarié partage l’avis de la cliente. « Après les bouchers, les revendeurs de fruits et légumes, c’est le tour des boutiques d’habillement de nous dépouiller jusqu’au dernier sou ». En bon connaisseur de business, il affirmera que les prix ont connu une petite hausse par rapport aux jours ordinaires, et d’ajouter : « il y aura une véritable flambée des prix à l’approche de la fête ». Un autre client propose, en ironisant, que seul la friperie fera l’affaire dans ces moments de dépenses excessives. Pour un boutiquier cette augmentation répond plus à la règle de l’offre et de la demande, et de marché de gros. « C’est à eux qu’il faut s’adresser ». Sur les trottoirs, la concurrence est annoncée par des jeunes de différents âges, étalant à même le sol des tee-shirts, des pantalons et qui font barrages— à la limite de harcèlement — pour présenter leurs marchandises.

Idem pour l’avenue Hassiba Ben Bouali, où il faut jouer les coudes pour se frayer un chemin. L’ambiance est la même dans tout l’Algérois.

A proximité de la Grande-Poste, quelques 200 personnes se sont regroupées pour voir des projections en plein air de films de production algérienne.

Des locaux, appelés communément « Mahchachate », font office depuis toujours de cafétérias où des jeunes des quartiers populaires se rencontrent pour jouer aux dominos, aux cartes ou simplement bavarder, histoire de passer le temps.

Alger, ce n’est pas seulement une ambiance festive, mais également celle des agressions, tard dans la nuit, dans les petites ruelles obscures. Des agressions sont souvent signalées, et ce malgré l’impressionnant arsenal sécuritaire mis en place par les pouvoirs publics avant le Ramadhan.

Pour les plus nostalgiques, Alger a perdu son charme d’antan, celui des “maidat” et des soirées familiales sur les terrasses et des rencontres animées par les cheikhs de chaabi. Les veillées ne cessent que lorsque le jour se lève.

Boudaoud.M

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