Tout comme toutes les autres régions d’Algérie, M’kira a payé un lourd tribut pour le recouvrement de l’indépendance. Bien avant que la première balle de la Toussaint ne soit tirée, des dizaines d’hommes activaient déjà sous la coupe du PPA et ensuite du MTLD. Les premiers noyaux dans cette contrée ont été mis en place par le futur colonel Ali Mellah, originaire de cette zone qui sera qualifiée d’“interdite”. Il ne suffit que de se référer aujourd’hui au fichier communal pour voir la longue liste de chouhada, sans compter les centaines de moudjahidine qui ont survécu à la géhenne. Dès que l’armée coloniale avait commencé à subir des pertes énormes en hommes et en matériel, les généraux français passèrent à l’action : emplacement du camp à Tighilt Bougueni, recrutement d’indicateurs tout en passant par la destruction de nombreux hameaux pour couper définitivement la logistique des maquisards. En dépit de tout cela, la population civile resta fidèle aux combattants de l’ALN. Selon les quelques témoignages, durant les années de braise de 1959 jusqu’au début des années 60, les centres de concentration de Tighilt Bougueni et de Tamdikt pour ne citer que ceux-là, devinrent des endroits des plus sinistres. Tous les genres de torture y furent pratiqués. Mais sans aucun doute, le lieu qui deviendra sinistrement célèbre est l’endroit communément appelé le ravin des Martyrs. “Ce fut l’endroit où furent jetés tous les corps des personnes torturées à mort, exécutées dans des conditions atroces”, a témoigné un vieux du village. Quant au nombre de corps qui furent balancés dans ce ravin, notre interlocuteur ne s’en souvient plus. “Je ne peux vous dire exactement le nombre de corps qui y ont été jetés. En tout cas, toutes les personnes tuées dans les camps de ce douar sont passées par là”, nous a-t-il déclaré sans nous donner de noms. Aujourd’hui, ce lieu hautement symbolique attend au moins une plaque commémorative ou encore une stèle pour pouvoir être enfin reconnu comme tel. Dans la région de M’kira, il ne reste plus de lieux ayant servi durant la période coloniale, à l’exception de la guérite de la caserne de Tamdikt. Sachant que nous fêtons le cinquante-deuxième anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, n’est-il pas grand temps d’inventorier tous ces endroits et d’écrire leurs histoires avant que les derniers acteurs de cette guerre ne nous quittent ? Telle est la question qui mérite une prise en charge.
H. N.
