“Tout ce que j’écris, je le fais avec ma sensibilité algérienne”

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L’écrivain Yasmina Khadra profitera de la tenue de la11 édition du Salon international du livre d’Alger et parlera de ses ouvrages, notamment le dernier, les Sirènes de Bagdad, mais surtout l’Attentat qui reste toujours d’actualité en suscitant un très grand intérêt chez l’assistance. Outre ces deux ouvrages qui bouclent ainsi, avec Les Hirondelles de Kaboul sa trilogie consacrée à condamner, avec la plus belle des manières, le terrorisme de part le monde, Yasmina Khadra présentera également son nouveau né, La Rose de Blida, un ouvrage de toute beauté.

Les événements de ce dernier ouvrage publié en mars dernier chez les Edition « Après la lune », se déroulaient à Tlemcen où le petit Mohammed en sortant de la prison de l’école militaire aperçoit la belle silhouette d’une inconnue dont il tombera amoureux. Il se rend en auto-stop à Blida pour revoir sa dulcinée mais la 403 du capitaine va mettre un terme à ses illusions, mais gardera vivace sa quête platonique. Dans ce récit sensible et émouvant, écrit dans la lignée de l’Ecrivain,Yasmina Khadra nous replonge dans sa jeunesse douloureuse et dira dans un extrait de ce livre : « La première fois que je l’ai vue, je sortais de la prison de l’école, ma couverture enroulée sur l’aisselle, mon oreiller sous l’autre bras. Elle était belle comme un rêve impossible, presque irréelle dans son tailleur blanc, les mains croisées sur la poitrine et le regard insaisissable. Je ne me souviens pas d’avoir vu créature plus fascinante avant. Elle devait avoir dans la trentaine mais en paraissait beaucoup moins, avec ses trais juvéniles sa silhouette frêle, et ce regard lointain qui semblait puiser son éclat au fin fond de l’horizon ».

En dépit du grand écho qu’a connu son dernier ouvrage, Les sirènes de Bagdad, qui nous entraîne dans le gouffre irakien avec comme héros, un Irakien de 20 ans qui rêvait de faire des études à Bagdad, mais qui se trouve depuis l’invasion des troupes américaines qui ont débarqué dans son village et jetèrent hors de son lit son père, à demi nu, un jeune désabusé, rabaissé, détruit qui fuira vers Bagdad, alors déchiré par une guerre civile féroce, et deviendra en l’absence de repères conjugué à l’humiliation une proie facile pour les islamistes radicaux qui l’ont recruté et sacrifié pour une cause à laquelle il n’a jamais cru…, c’est incontestablement l’Attentat qui a accaparé l’essentiel des interventions et les débats ont porté foncièrement sur cette immense œuvre. Il est utile de rappeler que l’Attentat rapporte avec une extraordinaire audace et un rare courage « La dérive d’une Palestinienne vers le terrorisme », une jeune femme qui se fait exploser dans un restaurant de Tel Aviv, au milieu de dizaines de clients et que le docteur Amine, chirurgien israélien d’origine arabe, opérant la nuit qui suit le carnage, les survivants de l’attentat, est rappelé d’urgence pour examiner le corps déchiqueté de la kamikaze, celui de sa propre femme. Pour pouvoir comprendre l’impossible, l’inimaginable, il faut entrer dans la haine, le sang et le combat désespéré du peuple palestinien…

L’attentat sera adapté au cinéma

Toujours autour de ce livre, l’auteur de l’Ecrivain annoncera que l’Attentat sera incessamment adapté au cinéma et que l’écriture du scénario est confiée à Ziad Douiri, un américain d’origine libanaise. Expliquant que bien que le livre soit une propriété exclusive des Américains qui l’ont acheté, on lui a garantit de demeurer proche de l’âme du livre. Il a même été désigné consultant es scénario et affirme souhaiter apporter quelques modifications au texte.

Invité à répondre aux questions des journalistes et autres intervenants, Yasmina Khadra répliquera avec beaucoup de subtilité et un humour plein de finesse, et demeurera fidèle à sa franchise et à sa détermination à dénoncer ce qui mérité de l’être. De prime abord, il précisera que l’universalité est très loin de constituer sa quête et que la consécration, il ne la cherche plus, il l’a tout simplement. Il ajoutera « quand j’écris, je deviens le nègre de mes personnages, et je le fais avec ma sensibilité algérienne, avec des adages puisé du fin fond de l’algérianité ».

Sans aller par le dos de la cuillère, l’Ecrivain dénoncera le laxisme des intellectuels arabes qui ont peur de compromettre leur « petite carrière », et des gouvernements arabes qui « se sont donnés en pâture aux Israéliens et autres Américains qui ont profité de cette nation laminée, dévitalisée, le souffle-douleur rêvé des forces occidentales », et fera des reproches à certains critiques qui l’ont accusé de faire l’apologie de la violence et de défendre les Israéliens. Il dira en ce sens, que suite au soutien des médias occidentaux dont a bénéficié son livre l’Attentat, il était suspecté de faire de la propagande israélienne.

Il développera que les Sionistes n’ont pas aimé son livre parce qu’ils l’ont lu, et compris la cause qu’il défendait mais que malheureusement les Arabes qui le descendait en flamme, ne l’ont pas aimé parce qu’ils ne l’avaient même pas lu. Voici toute la différence.

Rétorquant à ceux qui lui reprochaient ses interventions politiques sur les plateaux de télévision européenne, Yasmina Khadra dira avec lucidité que pour le moment, « je suis obligé de parler à ceux qui me prêtent leurs micros et caméras, avec les contraintes que cela entraîne ». Clin d’œil fait aux médias lourds nationaux qui ne l’ont pas sollicité. « C’est par le biais de ce moyen audiovisuel que je peux atteindre mes lecteurs, mais je ne suis pas l’animateur des débats dans ces émissions où je suis sauvagement censuré ». Il s’en excusera auprès de ses lecteurs et leur demandera de le juger quand il sera invité dans un débat en direct.

Yasmina Khadra ne terminera pas sans fustiger le journaliste du quotidien El Khabar, auteur d’un article incendiaire contre l’écrivain Anouar Benmalek, accusé d’apporter atteinte à l’islam et qui a engendré des répercussions très déplorables. Il ira même jusqu’à qualifier le journaliste de « criminel ». Un jugement très sévère qu’il expliquera par dire : « vouer aux gémonies un écrivain de talent comme Anouar en l’accusant d’attaque à l’islam, dans le contexte actuel que tout le monde connaît est un appel au meurtre ».

En rapportant qu’Anouar Benmalek vit une situation très délicate, subit un préjudice moral pénible et ne peut même rentrer dans son pays suite aux multiples menaces de morts qu’il a reçu, Yasmina Khadra invitera les intellectuels algériens à défendre Anouar Benmalek et à combattre ces pratiques « inhumaines ».

H.Hayet

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