Les mendiants envahissent la ville

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Si certains mendiants sont vraiment dans le besoin et se contentent de ce que vous voulez bien leur donner, d’autres, plus effrontés, n’hésitent pas à se montrer carrément agressifs. Ils vous agrippent,vous harcèlent, vous tirent par les manches et exigent le montant de la somme que vous “devez” leur remettre. Leur nombre s’augmente de plus en plus à Tizi Ouzou. Malgré le froid, la chaleur qui sévissent dans cette contrée, les mendiants sont là, dans chaque coin de rue et de ruelle de la ville des Genêts. De véritables épaves humaines s’offrent au regard des passants, insouciants de cette misère qui s’accentue de jour en jour que Dieu fait. D’où viennent-ils ? Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Personne n’est en mesure de répondre. Des dizaines d’errants, tout âges confondus investissent la capitale du Djurdjura chaque année sans que les pouvoirs publics n’interviennent pour juguler ce fléau qui tend à se généraliser sur tout le territoire national au grand dam des riverains. A les voir déambuler presque nus sur les trottoirs, on se croirait dans un asile psychiatrique. La plupart de ces mendiants versent dans la violence et l’obscénité, ce qui a engendré un climat d’insécurité quasi-permanent. A l’instar des grandes villes du pays, Tizi Ouzou a du mal à contenir ces centaines de gens condamnés à l’errance et à la déperdition. Sous d’autres cieux, ils sont totalement pris en charge par des structures spécialisées. Excepté le C-RA (comité de wilaya) qui arrive à colmater les brèches en venant au secours de ces misérables à l’exemple de l’année 2004 où il avait organisé une opération d’envergure qui consiste à offrir des repas chauds aux SDF à cette période de l’année, depuis plus rien.

Les vrais et les faux mendiants

Autant dire qu’ils sont de plus en plus “gourmands”. En plus, ils ne sont jamais satisfaits et vous fusillent du regard si vous avez le malheur de leur refiler une petite pièce de 5 ou 10 DA. Maladie, handicap, misère, abandon… Les raisons de la prolifération des mendiants sont diverses. Ils sont de tous les âges et passent leurs journées à sillonner les rues et quartiers de la ville des Genêts, quémandent aux passants de quoi survivre. Le soir, avant de rentrer “chez eux”, ils passent chez l’épicier du coin pour échanger leur monnaie contre des billets et là, il y a de quoi hurler de rage. Leur mensualité dépasse de loin votre salaire de fonctionnaire ou de cadre d’entreprise. Pour apitoyer les passants, certaines mendiantes d’un nouveau genre n’hésitent pas à louer des bébés pour la journée (système algérien). “A première vue”, nous raconte un chauffeur de taxi qui fait la ligne CHU-Nouvelle-ville, “vous pensez avoir à faire à une mendiante que le mari a abandonnée avec un enfant en bas-âge sur les bras… mais en regardant de plus près, vous remarquerez que ce n’est jamais le même bambin que la mendiante porte sur le dos quelques heures après ou le lendemain”. Ces pauvres innocents sont trimbalés toute la journée sous la pluie, le froid, le soleil ou le vent, inhalant les gaz des pots d’échappement. “Un de mes amis m’a raconté l’autre jour qu’une mendiante l’avait supplié de lui donner de l’argent car son “fils” n’avait plus de lait. Le petit a, parait-il répliqué : “mais tu n’es pas ma mère !”, raconte un autre transporteur de voyageurs. Lorsque vous êtes au marché, de vieilles mendiantes vous accostent et vous supplient de leur donner “quelque chose”. Ne faites surtout pas d’efforts pour mettre la main dans votre panier ou couffin pour leur proposer quelques bananes ou biscuits par exemple. Elles vous fusilleront du regard ! Ce qu’elles veulent, c’est du liquide et surtout pas la petite monnaie. “Il y a quelques jours, c’était au mois de Ramadhan, raconte une enseignante, un mendiant de très bonne constitution physique d’ailleurs, m’a demandé l’aumône au marché couvert. En ouvrant mon porte-monnaie, je n’ai trouvé qu’une pièce de 10 dinars… je la lui ai tendue avec le sourire. Il m’a regardé avec dédain tout en claironnant : c’est tout ? J’étais tellement surprise que j’ai repris ma pièce et lui ai conseillé d’aller se trouver un job !”. Notre enquête nous a révélé qu’il y avait deux catégories de mendiants. Ceux qui sont à des endroits fixes et ceux qui sillonnent les artères et quartiers de la ville en tendant la main aux passants. Toutefois, il faut savoir distinguer les “vrais et les faux”. La différence n’est guère visible. Si pour certains la misère se lit dans leur regard et leur accoutrement, d’autres n’ont vraiment pas l’air d’être dans le besoin. Nous sommes parfois étonnés de voir des femmes bien habillées, propres et maquillées demander de l’argent à des passants. Un mendiant “exerçant”à proximité de la gare routière se dirige chaque soir, après sa “journée de travail, vers un magasin pour échanger ses pièces de monnaie contre des billets. Il y’en a pour 1 000 DA par jour, parfois 1 200 DA. Le calcul est fait tout seul ! C’est mieux rétribué qu’un boulot normal. Pour amasser, une bonne recette, il faut s’installer dans une rue animée et être tout seul. Un pauvre mendiant fraîchement “débarqué” dans la rue Abane-Ramdane s’est vu chassé à coups d’insultes par un ancien mendiant qui avait élu domicile à cet endroit avant lui. “Emchi, hadi blasti”, lui a-t-il crié au visage. Par ailleurs, il y a des mendiants qui “font le terrain”. Ils sonnent à votre porte, brandissant un certificat médical ou une carte d’invalidité ou autre et vous supplient : “Donnez-moi des vêtements ou de l’argent !”. Décidé à faire votre bonne action, vous vous précipitez vers le placard pour chercher quelques vieilles fripes. En passant par la cuisine, vous prenez une baguette de pain… Après avoir glissé une pièce de 20 ou 50 dinars dans la main du pauvre infortuné, vous refermez la porte avec un sentiment de satisfaction. En jetant par hasard un coups d’œil par le balcon, que voyez-vous ? La baguette de pain et les fringues sont jetés au bas de l’immeuble. Notre “mendiant” a déjà fait son tri et il n’entendait pas s’encombrer de choses inutiles ! Là n’est pas la question, mais ce qui est réel et palpable dans la vie de tous les jours, c’est la pauvreté qui touche de plein fouet de plus en plus de citoyens, même parmi la population active. Quant aux autres, c’est tout simplement la misère ! Dans tout cela, être mendiant ou pas relève du degré de ce qui reste de dignité en tout un chacun.

S. K. S.

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