Depuis sa disparition, beaucoup d’autres chanteurs font le maximum pour pérenniser cet art. Nous citerons, le regretté Guerrouabi, Boudjemaâ El Ankis, Abdekader Chercham, Chaou, Amar Ezzahi, Mehdi Tamache et tant d’autres aussi, sans oublier le grand Matoub dans la version Kabyle. Pour revenir à El Hadj M’Hamed El Anka, les critères qui ont fait de lui un maître incontesté de la musique chaâbi (kabyle et arabe) sont nombreux : sur le plan technique d’abord, ce grand personnage a fait preuve de beaucoup de génie en réussissant l’allonge du manche de sa demi-mandoline tout en agrandissant la table d’harmonie, c’est à dire, la caisse. Tout ce travail de création consiste à avoir une facilité à jouer plus de basse et coordonner les notes aigües et graves.
C’est un certain “De bellido” d’origine espagnole, qui lui a fabriqué l’instrument (aujourd’hui mandole) selon le souhait du maître. Ce n’est pas terminé, puisque le grand El Anka, a introduit également des instruments à gammes tempérées, tels que le banjo, la derbouka, le violon et même le piano. Son ami intime Boudali Safir l’a aussi aidé au perfectionnement de l’orchestration.
En un mot, le maître a bouleversé la manière de chanter par de nouvelles sonorités, en imposant son rythme. En plus des instruments qu’il maîtrisait à souhait, El Hadj M’Hamed El Anka, maîtrisait également le texte, à tel point qu’il pouvait jouer ou chanter en cinq minutes, comme il pouvait faire durer le plaisir durant de longues heures, en changeant d’un mode à un autre sans que son public ne s’en rende compte. Sa force réside dans l’improvisation sur scène avec sa forte et unique voix et l’exécution des notes qui sont répercutées sur son instrument. On ne peut pas aujourd’hui évoquer la musique chaâbie sans penser inévitablement au maître et vice-versa.
El Anka est aussi un chanteur érudit, sa soif de connaître et d’apprendre l’a amené à côtoyer des imams, tels que Baba Ameur, Benzekri…, des motivations l’ayant conduit à parfaire ses connaissances dans le domaine du texte.
De son vivant, El Hadj pouvait raconter n’importe quelle histoire sur son pays à travers les âges.
Il maîtrisait avec art et manière ses textes en plus du mandole, du luth, et du violon. C’est pour toutes ces raisons que El Hadj M’Hamed El Anka est digne d’être appelé incontestablement le plus grand maître de la musique chaâbie. Il fut également le génie de son siècle.
S. Seddik Khodja
