Une partie de la minorité sunnite de la capitale a exprimé une timide désapprobation, en mitraillant quelques postes militaires américains, tandis que du côté des Chiites et des Kurdes, la sentence a été applaudie.
Ainsi, contrairement à son vœu exprimé, lors d’une des 40 séances de son jugement, où l’ex-dictateur irakien capturé par l’armée américaine près de Takrit, sa région natale, a souhaité d’être exécuté devant un peloton, conformément à sa qualité de militaire qu’il a exhibé pour l’occasion, Saddam est condamné à mort par pendaison, ainsi que deux autres hauts responsables de son régime, à savoir, Aouad Ahmed Al Bandar, juge de l’ancien tribunal révolutionnaire, et Barzan Ibrahim Al Tiktiti, demi-frère du Président déchu qui dirigeait les services secrets, condamnés à la peine capitale également, tandis que l’ancien vice-président Taha Yassine Ramadan s’est vu infliger une peine de prison à perpétuité. Trois autres membres du défunt parti Baath qui a régné sans partage sur l’Irak pendant plus d’un quart de siècle, jugés aux côtés de Saddam Hussein écopent de 15 ans de réclusion tandis qu’un quatrième a été acquitté.
En rendant cette sentence, le haut tribunal pénal de l’Irak, présidé par le juge Raouf Abdoul Rahman, a reconnu Saddam coupable de crimes contre l’humanité, lors de ce tumultueux procès, l’ancien dictateur a été inculpé pour le massacre de Doudjaïl, qui a causé la mort de 148 Chiites, massacre perpétré, pour rappel, par le régime du Baath, suite à l’attentat avorté contre Saddam en 1982. Toutefois, il est à indiquer que la peine de mort et la prison à vie donnent lieu à des appels automatiques qui reporteront l’exécution du verdict de plusieurs mois au moins. Ceci n’ouvre aucune possibilité à une amnistie, même celle du président de la République, à savoir le Kurde Jalal Talabani, en cas de confirmation de la sentence. Ce qui plaide de fait, pour une mise à mort certaine de l’ex-homme fort de Baghdad et ses collaborateurs et que l’échéance n’est qu’une question de timing.
Joie des Chiites et pudeur des Kurdes
La défense de l’ex-dictateur irakien, qui a reposé sa défense sur les vices de formes, en récusant ce tribunal d’exception, érigé selon eux « à l’ombre de la colonisation », est sortie complètement député par cette sentence, à l’image de Bouchra Al Khalil, membre du comité de défense basé à Amman, a en revanche dénoncé un « déni de justice » prononcé par « un tribunal illégal mis sur pied par l’occupant américain qui ne pouvait pas tenir un procès équitable ».
Quant à l’alarmisme affiché par les défenseurs de Saddam, qui ont appréhendé un vent brûlant qui soufflerait sur cette partie du Golfe, déjà réduite en cendres après son occupation par l’armée américaine, il n’en est rien, du moins pour le premier jour après la lecture de la sentence, par le juge Raouf Abdoul Rahman.
Les premières informations en provenance de l’Irak indiquent que, les forces américaines et irakiennes ont essuyé des tirs dans deux quartiers sunnites de la capitale, peu après ce verdict. La partie majoritaire en Irak, à savoir les Chiites et les Kurdes qui tient l’essentiel du pouvoir à Baghdad à l’ombre d’une présence militaire américaine musclée, n’a pas caché sa joie devant l’épilogue que viennent de connaître leurs cauchemars qui ont duré un quart de siècle.
Dans ce registre, la retenue, en somme toute diplomatique de Jalal Talabani, chef de l’Etat actuel de l’Irak qui a refusé de commenter ce jugement, en arguant la situation délicate que traverse son pays, il n’empêche que la joie a éclaté dans les territoires auto – administrés des Kurdes, qui risquent de voir l’un des plus grands procès pour crimes contre l’humanité, se dérouler en l’absence du principal acteur du génocide perpétré contre les Kurdes, avec utilisation de l’arme chimique prohibée par la communauté internationale. L’état d’esprit des Kurdes apparaît plus clairement, dans la déclaration faite à Reuters, par le Vice-Premier ministre, Barham Saleh qui appartient à la communauté kurde et qui a estimé que « la cour a fait preuve de professionnalisme et de justesse. Saddam a subi la justice dont il a privé le peuple irakien pendant 35 ans ».
Du côté chiite, qui fait par ailleurs l’essentiel des frais de la guerre civile que se livrent les Irakiens à huit clos, les commentaires appuyant le jugement du haut tribunal pénal ont fusé presque instantanément, à l’image du porte-parole de l’Exécutif, qui a déclaré « Saddam méritait au moins cela, parce que le crime était grand. Aucune autre peine n’était possible ». Pour les puissances d’occupation, le jugement ne peut être que salué, du moment qu’il confère une légitimité, un tant soit peu à leur aventure irakienne, qui ne fait pas l’unanimité sur le plan internationale.
La sentence et les forces d’occupationsà la recherche d’une » légitimité «
« Je salue le fait que Saddam Hussein et les autres accusés ont été présentés devant la justice et ont eu à rendre compte de leurs crimes », a déclaré la ministre britannique Margaret Beckett quelques minutes après l’énoncé du verdict à Bagdad. « Des crimes épouvantables ont été commis pendant le régime de Saddam Hussein. Il est juste que ceux qui ont été accusés d’avoir commis de tels crimes à l’encontre du peuple irakien soient présentés devant la justice irakienne », a-t-elle renchéri. Quant à l’ambassadeur des Etats-Unis en Irak, Zalmay Khalidzad, il a déclaré : « Ce jour marque une étape importante pour l’Irak, qui vient de franchir un nouveau pas vers la construction d’une société libre fondée sur le respect de la loi », en poursuivant « un ancien dictateur craint par des millions de personnes, qui a fait massacrer ses propres compatriotes sans pitié ni souci de justice, qui les a entraîné en guerre contre les pays voisins, a été traduit en justice dans son propre pays ».
Les seules voix discordantes à cet unanimisme proviennent de l’Iran et de l’Organisation de défense des droits de l’Homme, Amnesty International. Le pays voisin et néanmoins rival de l’Irak, et qui a été en guerre pendant huit ans avec l’Irak de Saddam, avait estimé que l’exécution était « la peine minimale » que méritait l’ancien président irakien, selon un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Ce dernier a estimé en outre que cette condamnation ne signifiait pas pour autant « que l’on ne doive pas enquêter sur les autres crimes de Saddam, en particulier les crimes commis durant la guerre contre l’Iran ».
Ce qui laisse entendre que l’Iran cherche à faire le procès de la guerre opposant l’Iran à l’Irak, où les puissances occidentales ont prêté main-forte au dictateur condamné à mort par pendaison. Tandis qu’Amnesty International met, elle, en doute l’impartialité du procès de Saddam Hussein, sans pour autant plaider sa cause.
Hadj Bouziane