Des milliards de dinars retournent au Trésor public

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C’est l’unique commentaire que s’est autorisé à faire le président de la chambre de commerce et d’industrie de Djurdjura (CCID), Ameziane Medjkouh, au sujet de la consommation annuelle, très réduite, du budget destiné au développement de la wilaya de Tizi-Ouzou, alloué dans le cadre du plan spécial de la relance économique en Kabylie.

L’absence des investisseurs potentiels à Tizi-Ouzou se traduit amplement par la panne que connaît l’intervention de l’administration locale pour assurer sa mission d’ordonnateur et régulateur des dépenses publiques destinées à la réalisation de projets d’équipements socio-économiques.

Sur les 1 500 milliards de dinars d’investissement public annuel initialement prévus pour la wilaya, seul 22% sont consommés dans des projets qui ne cessent d’accuser des retards inexpliqués (voir notre édition du 4/10/2006). Ce qui n’est pas sans conséquences, négatives en somme, sur l’attraction des opérateurs économiques et les détenteurs de capitaux, nationaux et étrangers.

Cela tombe en nette contradiction avec ce que devait justement mener l’administration en terme de la gestion des dépenses publiques. Celles-ci, en plus d’assurer son propre fonctionnement, permettent à l’Etat d’intervenir dans la vie économique et sociale. Les charges de l’Etat ont tendance à augmenter régulièrement, corrélativement à l’accroissement démographique, à l’exigence de renforcer, renouveler et étendre les infrastructures indispensables au développement économique et social. Or, ce qui a été réalisé jusqu’à présent par les pouvoirs publics pour assurer une dynamique de la vie socio-économique, mais surtout productrice de richesse et génératrice d’emploi dans la wilaya de Tizi-Ouzou, est loin de répondre aux attentes des investisseurs. La quasi-totalité des projets, dits d’infrastructures publiques accusent d’énormes retards : routes et voies de communication, nouvelle liaison ferroviaire Oued Aissi-Tizi Ouzou, transfert des eaux du barrage de Taksebt, viabilisation des zones d’activités …

«Nous pensons qu’une action efficace de l’Etat en matière de développement pour la wilaya devrait d’abord concerner la création des conditions du développement plutôt que le développement lui-même : le développement direct ou octroyé par l’Etat est rarement bénéfique», nous dira M. Bouguermouh, spécialiste en développement local à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi-ouzou.

Echec de conjoncture ou couacs de planification ?

Mais à Tizi-Ouzou il n’y a pas que l’investissement public qui bute contre des pannes. Les quelques détenteurs de capitaux, nationaux notamment, ayant tenté « l’aventure » des y installer ont été contraints, par la force bureaucratique de l’administration de wilaya, à opter pour d’autres régions offrant des conditions plus favorables à l’investissement. L’exemple nous vient cette fois-ci d’un investisseur privé de Larbâa Nath Irathen qui a fini par se résigner à localiser son projet de produits cosmétiques à Kolea. Un projet que l’opérateur économique compte réaliser en partenariat avec une firme anglaise.

Initialement, l’action de l’Etat s’exerce à travers la politique conjoncturelle dont l’horizon est le court terme et la politique structurelle qui agit sur les prédispositions lourdes et oriente l’économie vers le moyen-long terme. L’exécution de ces actions au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou, dévolue à l’administration locale, est réduite aux constats d’échecs ou, au mieux, à son incapacité à injecter la totalité des dépenses prévues dans le plan quinquennal 2004/2009, de l’ordre de 7 500 milliards de dinars.

L’échec dans l’action à même de réaliser les infrastructures publiques destinées à l’amélioration des conditions d’investissement privé est en soit un reflet du peu d’intérêt accordé au développement de la wilaya de Tizi-Ouzou par les pouvoirs publics. Autrement, comment expliquer la non intégration de cette région dans le nouveau accord conclu, la semaine dernière, entre le ministère de la Participation et de la promotion de l’investissement et la société financière internationale (SFI), filiale de la Banque Mondiale. Cet accord prévoit le soutien de cette institution financière à l’investissement direct privé, national et étranger. La localité de Blida étant retenue pour mener ce projet à court terme.

Quant la décentralisation fait défaut

Il n’est un secret pour personne que la centralisation des décisions freine d’une façon substantielle les initiatives de développement. C’est ce même mode de gouvernance qui a fait que les 78% de l’argent non investi dans les projets de relance économique pour la wilaya de Tizi-Ouzou, retournent au Trésor public sans jamais revenir ne serait-ce que sous forme d’autres projections. Le pouvoir central reste, dès lors, coincé dans l’esprit «socialiste» du libéralisme qui guide actuellement les orientations économiques de l’Etat, privant ainsi le local de se prendre en charge, notamment en matière de prise de décision relative à la gestion des dépenses. Le rôle de l’Etat devrait ainsi se situer au niveau de la conception, de l’animation, du financement et du contrôle de l’économie régionale, la production devant revenir au secteur privé, (lire l’entretien avec M. Bouguermouh) L’Etat central qui était pressé d’annoncer une somme de 7500 milliards de dinars à la faveur de la wilaya pour répondre à «la pression» sociale et politique de la région, fait les frais d’une stratégie plus «myope» que raisonnable dans la mesure où cela traduit bien l’urgence de redistribuer plutôt le pouvoir politique qu’économique. Tizi Ouzou donne ainsi l’exemple type des difficultés à élaborer une stratégie de développement cohérente mais surtout, elle traduit la nécessité de transférer les pouvoirs aà l’échelon local.

M.A.T

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