Interrogé par les journalistes à l’issue d’une audience accordée au ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, le président de la République a répondu de manière tranchante : « Vous faites une tartine de quelque chose qui n’existe pas. »
En répondant ainsi, le chef de l’Etat a exprimé son agacement devant l’insistance des rumeurs qui, aussi bien dans la presse nationale qu’internationale, le donnent comme malade. Et Abdelaziz Bouteflika donne sa « vérité » : « J’ai été malade, très malade. Je m’en suis sorti, et je m’en suis sorti de manière absolument fabuleuse », a-t-il expliqué avant de préciser qu’il « faut cesser de parler de ma santé. Je suis un homme absolument comme les autres ».
Pour mieux répondre à ceux qui parlent déjà de succession, le Président répond lui-même par une phrase aussi précise : « Il est tout à fait clair que lorsque j’aurai des problèmes de santé, il faudrait que je rentre définitivement chez moi ».
Voilà qui coupe court, du moins pour le moment, à un feuilleton qui a empoisonné la vie politique nationale depuis maintenant plus d’une année. Une année depuis que le Président Bouteflika avait été admis, d’urgence, à l’hôpital parisien du Val-De-Grâce un certain 26 novembre 2005, pour n’en sortir que le 31 décembre de la même année.
Mais sa sortie d’hôpital et sa reprise d’activité, mitigée au demeurant, n’ont pas empêché les observateurs de s’interroger sur l’état de santé du chef de l’Etat. Les interrogations sont accentuées par le fait que Bouteflika débordant d’activité et déployant une énergie incroyable en temps normal, est réduit à des activités parfois protocolaires.
Au mois de mars de l’année en cours, le chef de l’Etat avait repris ses sorties sur le terrain avec deux virées, notamment à Alger et Constantine. Mais juste après son déplacement dans la capitale de l’Est, le 15 mars, Bouteflika s’est rendu, une nouvelle fois, à l’hôpital parisien, officiellement pour subir des contrôles médicaux de routine. Une déclaration de Jean-Marie Le Pen, le président du Front national, un parti d’extrême-droite xénophobe français, avait déclenché une nouvelle polémique entre les deux pays, contraignant même le chef de l’Etat à quitter la capitale française plus tôt que prévu. Une autre crise politique s’était alors ouverte entre Alger et Paris, impliquant même des personnalités politiques de haut rang, notamment en France, suscitant ainsi l’ire de plusieurs personnalités algériennes, des partis politiques et des médias qui s’étonnaient, à juste titre d’ailleurs, qu’une maladie puisse faire l’objet de tirs croisés, en somme injustifiés.
Cet épisode est suivi d’une éclipse partielle du président de la République sur la scène nationale, préférant déléguer l’essentiel de ses activités à son chef du gouvernement de l’époque, Ahmed Ouyahia.
Mais le mois de mai de l’année en cours, Abdelaziz Bouteflika revient au devant de la scène médiatique par le biais d’une polémique, cette fois-ci algéro-algérienne, déclenchée entre les partisans de Ahmed Ouyahia et ceux de Abdelaziz Belkhadem sur la présidence du gouvernement. Cela se passait au moment où le Premier ministre turc, Tayb Erdogan, effectuait une visite d’Etat à Alger. Une visite durant laquelle Ahmed Ouyahia a brillé par son absence, couronnée quelques jours plus tard par une séparation publique d’avec le chef de l’Etat.
Reprenant timidement ses activités, Abdelaziz Bouteflika ne tarde pas à s’éclipser de nouveau à partir du 15 juillet de l’année en cours et pour une très longue période : 55 jours, durant lesquelles la spéculation et les ouïe-dire étaient maîtres à bord. Personne ne pouvait expliquer cette absence. Même le Premier ministre, Abdelaziz Belkhadem, qui avait avancé un congé, n’avait pas réussi à convaincre. Pour certains observateurs et la presse, Abdelaziz Bouteflika était tout simplement malade. Vérité ou simple raccourci ? Personne ne peut répondre. Mais lorsque Bouteflika a réapparu au début du mois de septembre, la conviction de beaucoup d’Algériens était bien établie : le Président était dans une mauvaise forme, en témoignait sa voix éteinte et son regard vide.
Ce n’était, en fait, que passager, puisque le premier magistrat du pays a surpris tout son monde par deux voyages longs et périlleux. Le premier, à la mi-septembre, l’avait conduit à La Havane, capitale de Cuba, et la deuxième, la semaine dernière, à Pékin, capitale de Chine où il était une semaine complète, débordant d’activités comme aux forts moments de ses visites-marathon dans différentes wilayas du pays.
Mais malgré cela, la polémique a rebondi le week-end dernier sur l’état de santé du Président. Certains journaux nationaux ont relancé les interrogations sur le véritable état de santé de Bouteflika, liant cela à son vœu de réviser la Constitution.
C’est vraisemblablement cela qui l’a conduit à réagir lui-même et couper court aux rumeurs.
Ali Boukhlef