Les mises au point de Bouteflika

Partager

En s’adonnant au jeu des questions-réponses à la fin de l’entrevue de cinq heures, qu’il a accordée au ministre français de l’Intérieur et en froissant de cette manière une règle du protocole qui veut, qu’un président de la République n’anime de conférence qu’avec des personnalités de son rang, bien que Bouteflika se soit illustré par ce genre de sorties, il demeure que l’opportunité ainsi offerte par Belkhadem à Sarkozy pour donner le coup de starter à la précampagne des présidentielles françaises à partir d’Alger, en exploitant le lourd dossier de la mémoire commune, a obligé le président de la République à improviser une riposte à la mesure de l’événement.

L’hôte d’Alger qui affirme venir «en ami», en plaçant au départ sa visite sur un niveau purement technique avec, en prime, un «cadeau» sur la question des visas, chose qu’il a d’ailleurs annoncée avant sa venue dans les colonnes du journal Jeune Afrique, lors de l’entretien qu’il lui a accordé, c’est-à-dire le dossier sur lequel Yazid Zerhouni l’attendait depuis la visite «ratée» du ministre français des Affaires étrangères, en plus d’autres dossiers inhérents aux problèmes de l’immigration et la lutte antiterroriste, s’est retrouvé sur un terrain politique, avec en prime une polémique sur la question du pardon, le traité d’amitié et un pèlerinage au monastère de Tibhirine, une visite certes éclair, mais chargée sur le plan symbolique. Pour rappel, Belkhadem a invité Sarkozy et la France à reconnaître les crimes commis en Algérie lors des 132 ans de la colonisation. «Cela ne peut que grandir la France», c’est ainsi que Belkhadem avait paraphrasé le discours de Chirac destiné à la Turquie, où il l’invitait à reconnaître le massacre des Arméniens. Sarkozy avait laissé le soin au départ à son conseiller politique à l’UMP de répondre au Chef du gouvernement algérien. Ce dernier trouvait mal placé de parler d’une «guerre qui n’a plus lieu depuis 40 ans». Sarkozy a saisi l’opportunité de la présence des représentants de la presse de l’Hexagone, lors de la rencontre avec les Français d’Algérie, pour rétorquer à Belkhadem en dévoilant une partie de l’entrevue qu’il a eue avec lui. « Demander aux fils de s’excuser des fautes qu’auraient pu commettre leurs pères », c’est ce qu’il dit avoir tenu devant Belkhadem. Il faut dire que Sarkozy qui vient avec dans l’esprit la course à l’Elysée et ce que cela implique, en termes de baromètre de l’opinion, surtout qu’il n’a pas caché son désir d’en découdre avec Le Pen sur son propre terrain. C’est dans le sens de rattraper cette mésaventure de Belkhadem, qui a agi plus en sa qualité de SG du vieux parti, qu’en chef de l’Exécutif, que Bouteflika a répondu aux questions de la presse. C’est ce qui a fait dire au correspondant de l’Agence de presse AP que Bouteflika a volé la vedette à Sarkozy. En se refusant de faire des déclarations dans le sens d’apaiser la polémique autour de cette question, le président de la République a en fait invité l’hôte d’Alger à ne pas s’attendre à des concession sur ce dossier.

« Il est tout à fait clair que nous sommes condamnés à avoir un avenir commun », a déclaré Bouteflika devant Sarkozy. « Nous ne pouvons rien contre les lois de la géographie (…) Par voie de conséquence, il y a quelque part une condamnation, une fatalité qu’il faut assumer positivement. » « Je ne veux pas parler de ce problème aujourd’hui, parce que j’ai une opinion et je ne voudrais pas que mon opinion puisse engager mon ami Nicolas Sarkozy ».

Les propos de Bouteflika sont on ne peut plus clairs en présence du présidentiable potentiel de France. D’ailleurs, le président de la République s’est pour la première fois exprimé sur la question de son état de santé. En démentant les nouvelles publiées ici et là sur sa maladie, Bouteflika a saisi l’opportunité de la présence de Sarkozy pour insister sur le fait qu’il est bien question de négocier avec un président parfaitement valide. Un président qui a reçu d’ailleurs, hier, Romano Prodi, Chef du gouvernement italien et qui s’apprête à recevoir la ministre des Affaires étrangères d’Allemagne et la Gouverneure générale du Canada.

Hadj Bouziane

Partager