Les accidents de la route demeurent hélas, dans notre pays, cette catastrophe muette, la plus grande pourvoyeuse de handicaps, en raison d’actions de la prévention routière impuissantes et d’un système de statistique incapable de réfléter la véritable ampleur de ce cataclysme, devenu un réel problème de santé publique. Quelques années à peine après avoir réussi à arracher la bataille contre la poliomyélite, voilà que notre système de soins est confronté à un autre défi, celui de toutes les souffrances et incapacités dues aux accidents de la circulation. Une visite aux services des urgences des CHU de Tizi Ouzou, et les quelques cabinets privés de rééducation fonctionnelle de la ville des Genêts renseigne sur les conséquences désastreuses de cette tragédie silencieuse. Les blessés médullaires sont les victimes d’accidents de la circulation avec des lésions de la moelle épinière impotentes à 100 % avec une paraplégie irréversible, malgré tous les efforts déployés par des équipes médicales et paramédicales (chirurgiens, orthopédistes, médecins rééducateurs, kinésithérapeutes…) pour effacer les dégâts causés par un comportement irresponsable. La prise en charge médicale de ce genre de handicapés nécessite des soins lourds et une hospitalisation longue et coûteuse, souvent avec des résultats décevants. Aucun hôpital au monde, même le mieux équipé et le plus performant ne pourrait venir en aide et guérir un blessé dont la moelle épinière a été sectionnée.
Pour confirmer cette analyse, un spécialiste en chirurgie exerçant au CHU Nedir-Mohammed, et dans le privé à Tizi Ouzou, confirmera nos dires “Aucun chirurgien au monde même le plus brillant avec tous les moyens nécessaires ne pourrait réparer cette blessure fatale qui rend un être humain dépendant 100 % des autres”. Même pour les gestes quotidiens les plus banals, par exemple s’alimenter ou se laver. Selon une étude médicale algérienne, 15% des accidents de la route aboutissent à un handicap plus ou moins sévère, soit environ 300 à 500 nouveaux handicapés chaque année.
D’autres genres de handicaps sont à ajouter à la longue liste déjà existante. Il s’agit de 300 nouveaux handicaps causés chaque année par une mauvaise surveillance, ou un mauvais suivi des femmes enceintes (grossesses à risque) et les souffrances des nouveaux-nés lors des accouchements souvent difficiles. “Avec les budgets qui vont en s’amenuisant et très forte demande, les équipes médicales des hôpitaux travaillent dans des conditions très difficiles avec un matériel insuffisant” avouera un médecin généraliste dans le même CHU à Tizi Ouzou. Le pays où le système de santé est le plus performant et le plus équitable est incontestablement le Canada. Ce pays a choisi comme politique sanitaire, de lutter d’abord contre toutes les maladies et handicaps évitables par la promotion d’actions et d’interventions axées principalement sur l’environnement. Un accident de la circulation est aussi dû à une mauvaise adaptation de l’environnement aux spécificités des véhicules modernes. De toute évidence, l’une des responsabilités d’un système de santé avec tous ses acteurs sociaux est d’abord de faire en sorte de réduire les risques évitant ainsi aux personnes de tomber malades ou devenir handicapés, c’est avant tout une affaire de prévention, c’est à dire le maillon toujours faible de notre système de santé.
S. K. S