Bélaid Abrika, chef de file du mouvement citoyen des archs, aile dialoguiste, a été arrêté hier matin par la police de Tizi-Ouzou. Cette arrestation, opérée dans les locaux de la permanence de la CADC (coordination des archs, daïras et communes de Tizi Ouzou) fait suite, selon le frère du délégué, Mohand Abrika, à deux plaintes déposées par le président de l’APC et le chef de daïra de Tizi Ouzou, pour » destruction de biens publics. «
Simultanément, deux autres délégués ont été appréhendés par les policiers. Il s’agit de Jugurtha Hamenad, arrêté à Mekla et Ahmed Ammour, délégué de Tizi-Rached, interpellé devant le siège de wilaya où il s’apprêtait à rejoindre la réunion de la commission de wilaya chargée des blessés du printemps noir.
Selon des informations recueillies au siège de la CADC, plusieurs autres délégués, soupçonnés d’avoir participé à la destruction du socle, sont recherchés par la police, ainsi que le président du comité du village de Sikh-Oumeddour.
Ces interpellations interviennent après que des délégués et plusieurs citoyens ont procédé, durant la nuit du dimanche à lundi, à la destruction d’une plate-forme servant de socle pour la construction d’une roulotte de gendarmerie, érigée à Sikh-Oumedour, banlieue périphérique à l’est de la ville de Tizi Ouzou.
« Une quarantaine de policiers, dont la majorité étaient en civil, ont fait irruption à 10h45 dans le siège de la permanence. Ils sont tombés nez à nez avec Abrika auquel ils ont intimé l’ordre de les suivre sur-le-champ. Abrika leur demanda alors de lui signifier les motifs de cette interpellation et l’exhibition d’un mandat d’amener. Face à l’entêtement des policiers, il leur proposa de le laisser se présenter au commissariat de son propre chef, mais les policiers n’ont rien voulu savoir, et ils nous ont embarqués tous les deux de force », nous raconte Mouloud Chebheb, délégué des At-Aissi, présent lui aussi sur les lieux de l’arrestation.
Celui-ci a été relâché après que les policiers eurent constaté que la personne arrêtée n’était pas Yazid Kaci, activement recherché hier pour la même affaire. « Ils ont fait une sacrée tournée dans la ville avant qu’ils ne se rendent compte que je n’étais pas la personne recherchée. J’avais beau crier dans le fourgon cellulaire que je ne m’appellais pas Yazid Kaci, mais en vain, ce n’est qu’après avoir reçu une communication radio que les policiers ont eu à l’esprit qu’ils se sont trompés de personne. », témoigne Mouloud Chebheb.
A peine l’information a-t-elle circulé que le siège de la CADC fut pris d’assaut par des dizaines de délégués et de citoyens venus s’enquérir de la nouvelle donnée et « porter leur soutien aux délégués arrêtés ». « C’est une provocation caractérisée du pouvoir mafieux et assassin, pourquoi a-t-on procédé de la sorte alors que les trois personnes arrêtées n’ont pas participé à l’action de Sikh-Oumeddour », a déclaré Mohand Boughaled, l’un des doyens des délégués. La déclaration de celui-ci est ensuite appuyée par un autre délégué d’un certain âge, dit Youcef de Mekla qui dira que « le pouvoir vient de reculer face à ses engagements tenus lors du processus du dialogue. »
Le spectre des arrestations à la Benflis
Le forcing opéré hier à la permanence des archs de Tizi Ouzou fait rappeler le triste épisode des arrestations tous azimuts des délégués des Archs, en 2002 sous la houlette de Ali Benflis alors chef du gouvernement. Une époque où plusieurs délégués ont été incarcérés et déférés devant les tribunaux.
Ce n’est qu’à la désignation de Ahmed Ouyahia à la chefferie de gouvernement, en mai 2003 que l’ensemble des détenus furent libérés. En janvier 2004, Ouyahia amorce un long processus de dialogue avec le Mouvement citoyen en vue de satisfaire la plate-forme d’El-Kseur.
Des revendications qui ne seront satisfaites qu’à » 20% « , selon les dires de Bélaid Abrika. Mieux, les délégués du Mouvement citoyen se rendent, ensuite, compte que « l’Etat à fait un recul dangereux depuis la nomination de Abdelaziz Belkhadem à la tête du gouvernement. Tout ce qui a été fait avec son prédécesseur risque sérieusement d’être compromis », estiment les délégués.
Dans une déclaration rendue publique hier après-midi, la CADC souligne que » ces arrestations arbitraires marquent une escalade dans la provocation à l’égard des citoyens de la région et laquelle vise à imposer le retour du corps de la gendarmerie contre la volonté manifeste de la population et en violation des engagements contenus dans l’accord global, signé le 15 janvier 2005, et qui engage l’Etat à la mise en œuvre de la plate-forme d’El-Kseur. «
Alors que les délégués appréhendent la multiplication des “dérapages du pouvoir », dans son processus qui vise à « imposer le retour des gendarmes en Kabylie », un conclave extraordinaire a été prévu pour hier dans la soirée à Tizi-Rached, pour synchroniser les démarches et actions visant à obtenir la libération des délégués arrêtés.
« Il est clair que cette logique répressive choisie par le pouvoir central ne peut qu’engendrer des conséquences dangereuses et des dérives incontrôlables. », est-il encore écrit dans la déclaration de la CADC. Celle-ci devra tenter, lors du conclave, d’ »apaiser les esprits ».
M.A.T.
