Le FFS survivra-t-il à Aït Ahmed ?

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Voilà qui résume bien la situation interne du plus vieux parti de l’opposition, miné de l’intérieur par une crise dissimulée pour longtemps, mais qui semble désormais déborder sur la place publique.

La déclaration est, on ne peu plus illustrative, et émane du premier secrétaire national du Front des forces socialistes (FFS), Ali Laskri et a été faite devant les membres du conseil national, le 20 janvier 2006, à l’occasion de sa ré-investiture à son poste.

Ironie du sort. La base militante du FFS va opérer un forcing, inédit dans l’histoire du parti, le week-end prochain contre le siège de la direction nationale sis à Alger, pour contester « la persistance des pratiques antidémocratiques au sein du FFS, que Ali Laskri et son bureau national, ont érigées comme règles de conduite », a-t-on appris auprès des militants du parti.

Ces derniers, réunis avant-hier au siège de la section de Tizi-Ouzou, en conseil ayant regroupé cinq fédérations venues d’Alger, Bouira, Tizi-Ouzou, Sétif, Bejaïa (celles de Batna et de M’sila n’ont pu rejoindre Tizi Ouzou pour des raisons climatiques nous a-t-on dit) ainsi qu’un représentant de l’immigration, ont ainsi décidé de prendre d’assaut le siège national et l’occuper pendant 24 heures. « Nous allons prendre possession des locaux de notre direction nationale de jeudi 13h jusqu’à vendredi 13h. Si le secrétariat national s’amuse à cadenasser le portail, nous allons le forcer et ils n’ont qu’à prendre leurs responsabilités », ont averti les contestataires.

Le FFS sur le fil du rasoir !

Le parti de Hocine Ait-Ahmed est-il devenu une formation incurvée par des batailles de leadership, alors que le zaim est arrivé à la fin de sa carrière politique?

Les derniers développements de la vie interne du FFS plaident pour un avenir atomisé où le parti ne gardera, peut-être, que son sigle. Et pour cause : une saignée invraisemblable de militants et cadres du parti menace de disloquer sa structure politique. Le FFS est sérieusement mis sur le fil du rasoir que fera actionner la « guerre de succession » à Hocine Ait Ahmed.

« Six ans après, tout semble se faire contrairement aux résolutions de nos dernières assises, dont l’objectif était de consacrer l’ouverture sur la société dans le cadre de la construction de l’alternative démocratique et sociale. Rien ne semble pouvoir arrêter l’érosion, la saignée et parfois même « l’épuration » de militants à tous les niveaux », avertissent les « militants de base, cadres, élus et militants de la première heure du FFS » dans une lettre ouverte adressée à Hocine Ait-Ahmed le 9 novembre dernier.

Pour les militants contestataires, leur parti est en proie à un « bradage » sans précédent mené par le premier secrétaire national, Ali Laskri et le secrétaire national chargé de l’information, Karim Tabou qui « agissent sous la bénédiction du cabinet noir. » Celui-ci est détenu, affirme t-on, par des proches parents du zaim.

« En réalité, l’obsession de nombre de nos dirigeants reste la domestication des structures du parti en tentant d’installer des filtres pour désigner les « bons » individus qui prendront part aux échéances du parti », est-il encore contesté auprès de Hocine Ait-Ahmed.

Celui-ci qui n’a toujours pas réagi à la crise qui secoue son parti, semble dépasser par les nouvelles données à telle enseigne que « ça lui échappe de savoir qui des deux antagonistes est le plus fort », les membres du secrétariat national contestés ou les contestataires.

De l’opposition historique aux remous internes

Si le FFS s’est illustré par sa position, longiligne, dans l’opposition et sa réussite dans sa ligne politique menée dans les arcanes jusqu’aux premières élections plurielles de 1991, les faits actuels dénotent d’un bouleversement, sans pareil, au sein de la structure dirigeante où l’effritement du parti paraît plus réel que sa restructuration. « Même si nos dirigeants, au plus haut niveau, font un constat sévère de notre situation organique et politique, ils persistent dans une gestion autoritaire et unilatérale du parti », est-il souligné dans la missive à Hocine Ait-Ahmed.

De l’opposition historique aux choix des pouvoirs successifs et hommes du sérails le FFS est confronté à une opposition interne qu’il n’a jamais prédit. Les remous qui ont suivi le vent de contestation contre les choix stratégiques de Laskri et son lieutenant Tabou, ont vite tourné vers un bras de fer qui ne cesse de s’allonger.

La mise à l’écart de cinq membres du conseil national en août dernier a corsé d’avantage le rapport entre la base et la direction nationale, ayant conduit cette dernière jusqu’au lever de couverture politique à pas moins de 20 élus qui siègent dans les différentes institutions élues du pays.

Pis, puisque le FFS risque de voir le conseil d’Ile de France lui tourner le dos. Celle-ci n’a pas manqué de réagir contre « les mesures disciplinaires » prises à l’encontre des cadres du parti.

Dans une déclaration adressée à Ali Laskri, le 3 décembre dernier, le conseil d’Ile de France s’en est pris vertement contre « les politiques unilatérales diligentées par le haut qui ont, dans une large mesure, contribué à la paralysie des structures de base et à la fermeture des cadres d’expression à l’intérieur du FFS. »

« L’unilatéralisme » qui mine le parti d’Ait-Ahmed, à en croire les contestataires, est lié aux « ambitions unilatérales » de certains cadres qui ne cessent de « mener Ait-Ahmed en bateau. » Lui qui « vit loin de la réalité du pays et de son parti est gravement induit en erreur et que son âge ne lui permet pas, non plus, de contrôler sereinement son parti. »

Ali Laskri, dont les militants réclament la tête et celle de Karim Tabou, est accusé également de gérer le parti par des groupes installés dans l’anti-chambre. « Comment expliquer le spectacle désolant du jeudi 12 octobre 2006, dans un local des scouts à Chéraga, qui voit le premier secrétaire national en exercice organiser un » conseil fédéral clandestin « sans quorum (…). Ce soir-là, malgré l’effroyable nouvelle annonçant l’assassinat de notre camarade Rabah Aissat, le premier secrétaire national n’a pas jugé utile de suspendre la session. »

Une session, nous a-t-on informé, où des militants d’Alger, venus contester la manière de faire de Ali Laskri, en sont arrivés aux mains avec ceux présents dans le local, gracieusement mis à la disposition du secrétariat national par un militant du RND. Djillali Leghima, membre de la direction nationale, ancien militant de 63, avait quitté le local pour « protester contre le non-respect de la mémoire » de leur camarade Aissat qui venait d’être assassiné, témoigne-t-on encore.

A quelques mois des législatives, le FFS qui a, néanmoins, surpris sa base par son boycott des sénatoriales de ce 28 décembre, est en passe de perdre du terrain alors que les résultats des partielles de 2005 en Kabylie ont été très durs pour la formation. « Le FFS, dans cet espace national réputé être notre fief, s’est vu disputer les 30% des voix qui se sont exprimées lors du scrutin », de novembre 2005.

M.A.T

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