« Nous exigeons une totale transparence dans le cadre des textes réglementaires régissant la cession des entreprises (prix de cession, évaluation de l’entreprise, garantie des acquis sociaux), tel est le leitmotiv des travailleurs de l’entreprise des produits laitiers et dérivés de Drâa-Ben-Khedda (ex-Orlac), dans leurs actions de protestation contre « la manière de procéder » pour la privatisation de leur unité.
La cession de la laiterie de l’ex-Mirabeau à un privé « inconnu de la scène économique locale » continue d’alimenter une polémique parmi les travailleurs. Ces derniers, qui se disent « lésés » dans ce processus de privatisation, s’inquiètent pour leur avenir au sein de l’entreprise en dépit des clauses biens précises qui régissent ce genre de transaction.
Même si le cahier des charges imposé par l’Etat aux repreneurs des entreprises publiques à privatiser « protège » les travailleurs déjà en poste, l’inquiétude de ceux de la Laiterie de Drâa-Ben-Khedda est en somme légitime vu que l’identité et l’offre du repreneur potentiel demeurent une énigme.
Selon deux membres de la section syndicale de l’entreprise, « le postulant, ancien cadre ayant exercé en 1984 et 1985 en sa qualité d’ingénieur, ne possède aucun profil d’investisseur sérieux. » D’autres sources iront jusqu’à soupçonner un « groupe restreint », sans toutefois l’identifier, qui serait derrière ce « prétendant qui servira de prête-nom »
D’ailleurs, l’on prête au prétendant acquéreur une aventure en manufacture fromagère qui a vite tourné au fiasco. « Après avoir exercé seulement deux ans au sein de l’ex-Orlac, ce prétendant à l’acquisition de notre entreprise avait monté une petite fromagerie à Tizi-Ouzou, avant qu’elle ne soit fermée par les services de la Direction du commerce pour production impropre à la consommation. »
Difficile de vérifier les dires de nos sources. Lors de notre entretien avec le directeur de l’unité, M. Abderrahmane Larbani, celui-ci c’est contenté de nous dire que toutes les privatisations sont du ressort du Groupe qui détient l’entreprise et du CPE (Conseil des participations de l’Etat), mis sous tutelle du chef du gouvernement.
Contacté, hier, à ce sujet, le groupe Giplait (groupe industriel des produits laitiers) nous renvoie au CPE. Ce dernier, par le biais de son directeur des privatisations que nous avons eu au téléphone, nous a informé que le dossier a été traité avant-hier. Concernant l’identité et l’offre du repreneur, le directeur s’est confiné dans « le caractère confidentiel de telles opérations ».
Notre interlocuteur nous a, néanmoins, précisé que la décision finale inhérente à ce dossier sera connue ce samedi, au niveau du groupe concerné. Cela sous-entend-il la cession officielle de la Laiterie de Drâa-Ben-Khedda?
Pas étonnant. L’unité qui ne cesse d’enregistrer des performances en matières de bénéfices, suscite bien des convoitises. L’unique déception qu’à connue le processus de privatisation des filiales de Giplait est celle émanant du groupe français Lactalis, propriétaire de la marque « Président », réputée notamment pour ses camemberts.
Le groupe français qui était ainsi considéré comme étant un repreneur potentiel sérieux, avait manqué justement de sérieux, dès lors qu’il avait manifesté son désir de racheter tout le groupe Giplait mais avec l’intention de fermer 12 sur les 19 unités que compte le consortium algérien. Un dossier qui avait été, d’ailleurs, vite évacué par le CPE.
2 milliards de dinars de chiffre d’affaires
Depuis l’application du PAS (plan d’ajustement structurel) qui a converti la société Orlac (office régional de lait-centre) en SPA (société par actions) en 1997, la laiterie, qui emploie 340 travailleurs, ne cesse d’afficher des bilans positifs. En 2005, l’unité a enregistré un chiffre d’affaires de 2 milliards de dinars, dégageant un bénéfice qui avoisine les 60 millions de dinars. « Ce bénéfice a été réalisé pendant que la matière première est cotée à son plus fort prix sur le marché mondial, soit 1800$ la tonne », nous explique le directeur général, M. Larbani. L’unité transforme 20 tonnes de poudre de lait/jour et entre 25 000 et 35 000 litres de lait cru/jour pour produire entre 250 et 260 000 litres de lait pasteurisé.
Avec une production moyenne quotidienne vacillant entre 250 et 260 litres, l’unité compte réaliser, selon son premier responsable, un gain nettement supérieur à celui de l’exercice précédent.
La valeur marchande de la laiterie est estimée, selon nos sources, à plus de 100 milliards de centimes. Les travailleurs qui ont exprimé leur intention de reprendre cette unité avaient proposé, à en croire les deux syndicalistes, 121 milliards de centimes. Leur candidature à l’achat de l’entreprise a été occultée, affirment-ils, pour des raisons qu’eux-mêmes ne veulent pas avancer. Nos deux interlocuteurs n’ont pas, non plus, jugé utile de répondre à notre question concernant la capacité financière des travailleurs (chaque ouvrier doit débourser pas moins de 3 millions de dinars), pour constituer la somme de 121 milliards de centimes, selon l’évaluation effectuée par l’expert qu’ils avaient engagé, à cet effet.
M.A.T