A l’entrée des gorges, des dates commémoratives étaient piochées tout en haut d’une voûte et l’on peut aisément lire (1932, 1938). Ces mêmes dates indiquent la période de réalisation du tronçon de route séparant Bordj Mira de la ville martyre. Cette infrastructure jouxtant un ravin de plus de 50 mètres était l’œuvre de condamnés à mort algériens détenus par l’armée coloniale. En effet, les prisonniers travaillaient jusqu’a ce que mort s’en suive et lorsque l’un d’eux est agonisant, il est purement et simplement balancé au fond de la rive. Plus bas, et à l’entrée des gorges, est piochée sur une grosse pierre plate la phrase suivante «Les premiers hommes qui passèrent par cette rive furent des soldats dirigés par le commandant Bageaud». Plus bas encore, l’on peut constater, les restes d’un gisement que l’on dit riche à l’époque. Pour ce faire, les colons français avaient créé une ligne de chemin de fer traversant toute une partie de la chaîne des Babors jusqu’a l’ancien port des falaises. Les richesses étaient par la suite acheminées à destination de Marseille via des bateaux. Les traces de rails et du restant du port sont aujourd’hui présentes. En revenant aux fameuses gorges de Kherrata, il faudrait rappeler qu’il s’est passé des choses, beaucoups de choses lors d’un certain printemps de 1945. En effet, les milliers d’Algériens détenus pendant cette époque étaient en majorité chargés dans des camions pour être déversés à même les bennes tout au fond de ces ravins avant d’être achevés. A l’entrée de Kherrata et à même les gorges, un ancien blockhaus surplombe toute la région. «Ce poste de garde était d’une importance capitale pour l’armée française tellement il était dominant», dira un ancien recherché de la tragédie du 8 mai 1945. Les nombreuses grottes réparties çà et là à travers ces endroits servaient selon notre interlocuteur de bagne et de lieux où sont stockées les munitions. Bref, les ancêtres d’une espèce de singes dénommés magots avaient assisté aux massacres, et leurs progénitures sont présentes aujourd’hui. «Ces singes font partie de l’histoire de cette région», ajoutera l’ancien détenu. C’est dire, qu’effectivement, à Kherrata, tout est histoire.
A. Nabet
