“Les femmes et la vie ordinaire” de Christopher Lasch

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l Lasch cet écrivain féministe démontre que le statut de “femme au foyer” constitue non pas un asservissement, mais une étape de l’émancipation. La spécialisation des femmes dans les affaires du foyer — la “domesticité” — est souvent considérée comme le stade suprême de leur aliénation, le moment où leur mise à l’écart de la société marchande, gouvernée par les hommes, a atteint un paroxysme. Dans son ultime recueil d’essais, l’historien américain Christopher Lasch, disparu en 1994, montre qu’il n’en est rien. Cette spécialisation résulte d’un refus de la “dispense de travail” des femmes de l’aristocratie, d’un “mépris de la vie chic” du rejet de la “condition décorative”, qui faisait des cours royales des marchés à courtisanes. La montée des classes bourgeoises et moyennes véhicule des valeurs qui disqualifient les pratiques aristocratiques, où la vie ordinaire des femmes repose sur le loisir et l’ostentation, la compagnie et le plaisir — la chambre d’enfants et la cuisine étant exclues de leurs soucis quotidiens. Véritable révolution, qui s’accompagne d’une nouvelle morale sexuelle : la plus grande ambition des femmes n’étant plus de plaire, elles doivent se rendre utiles au lieu de cultiver l’art de l’attirance sexuelle.

La spécialisation des femmes dans la “domesticité” qui débouche sur le phénomène de la “femme au foyer” représente non pas une régression, mais un moment du passage de l’ère de la représentation et de l’inutilité spectaculaire à un statut à forte responsabilité. Pour les femmes venant d’un milieu ouvrier ou paysan, ce statut représente aussi une émancipation. De sorte que c’est d’une “promotion par le travail”, quoique non rémunéré ou bénéficiaire d’une maigre allocation, qu’il faut parler pour évaluer au mieux cette rupture dans la condition féminine.

Idir Lounès

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