Au contact de la détresse juvénile

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Lors d’une tournée effectuée avec les services de la Gendarmerie nationale dans la nuit de mercredi, dans la rue d’Alger en compagnie des représentants d’associations d’aide à la jeunesse, de cellules d’écoute et de lutte contre la délinquance juvénile, des réalités amères se sont présentées à nos yeux.Des jeunes, des moins jeunes ont accaparés des sous-sol, des bâtisses abandonnées et des jardins désertés d’Alger et en ont fait leur résidence de prédilection et leur propriété privée.C’est pendant la nuit qu’ils ont réussi à apprivoiser, que ces jeunes désillusionnés sortent de leurs “grottes” et entrent en contact avec le monde extérieur s’adonnant à longueur de journée au diluant, kif et toutes sortes de drogue, ces jeunes ont perdu le goût de vivre et n’ont plus rien à espérer. Pourquoi et comment ils sont là ? La majorité de ceux avec lesquels nous avons discutés, nous ont dit qu’ils ont fui le terrorisme et le chômage qui ronge l’Algérie profonde, en “s’exilant” dans la capitale à la recherche d’un travail et d’un avenir meilleur. Les victimes de cet exode rural se sont retrouvées à Alger sans instruction et vite repris par les réseaux de jeunes drogués qui voient de plus en plus leur rang s’étoffer et leur pouvoir s’agrandir.On a rencontré également des jeunes citadines d’Alger que les problèmes familiaux, le divorce des parents ou leur mort, la déperdition scolaire qui fait ravage au milieu des jeunes, l’absence de communication au sein des familles, la chlochardisation de la société et bien d’autres soucis accumulés ont fait sortir de leur domicile pour être récupérés par la rue qu’il leur ouvre ses bras.Mohammed, Hamid, Hicham ou Amine, chacun a son histoire. Les causes qui les ont amené dans cet endroit diffèrent mais le résultat est le même. Ils se sentent perdus et malgré la face agressive qu’ils montrent au premier abord, il suffit qu’ils soient rassurés et qu’une oreille attentive leur soit tendue pour se confier et dévoiler tout leur vécu douloureux.“Mohamed Ched Errih”, un jeune de 23 ans, rencontré au marché Clauzel. Dans son regard plein d’amertume, duquel brillait une lueur d’intelligence, nous livre avec humour sa misère : “Je suis là depuis des années. J’ai fait la prison plusieurs fois pour des délits mineurs et la police s’acharne contre moi. Au moindre fait, on m’interpelle et j’ai déjà fugué d’un centre pour la réinsertion des jeunes. J’ai pas supporté le rythme qui nous a été imposé”. Issu d’une famille de huit enfants, dont trois frères sont déjà en prison, “Ched Errih” qui a finit par nous donner son vrai nom, Dj. B., nous confiait qu’il en a marre de cette existence et a promis, en prenant à témoin tous ceux qui étaient présents de se rendre aujourd’hui à la cellule d’écoute de la Gendarmerie nationale, sise à Beb Edjedid pour avant tout être écouté et ensuite suivre une cure de désintoxication et réintégrer la vie sociale.Omar, un autre jeune de 19 ans rencontré à l’ex-salle des fêtes d’El Kettani, venu de Chlef à la fin 2000, fuyant la misère pour trouver un emploi et revenir chez lui pour aider sa famille. Arrivé à Alger si jeune, il s’est “mis” à la drogue et a perdu des années dans les rues de la capitale. Revenir à Chlef, il le veut bien mais il appréhende la rencontre avec sa famille qui pourrait ne pas le reconnaître.A écouter la psychologue de la cellule d’écoute qui lui a demandé de se diriger vers eux pour l’aider à s’en sortir, trouver un emploi et pouvoir retourner chez lui, une lueur d’espoir brillait dans ses yeux. Ces deux cas, parmi tant d’autres que nous avons rencontré lors de notre tournée, étaient conscients de l’impasse dans laquelle ils (les jeunes délinquants) se trouvent et veulent bien croire qu’ils peuvent être pris en charge et revivre normalement. Outre les promesses arrachées par la psychologue Boukaoul Zohra qui leur a expliqué qu’ils n’ont rien à craindre et que les mauvaises expériences qu’ils ont eues dans les centres de rééducation et de la protection des mineurs qu’ils avaient déjà fui, ne sont que de mauvais souvenirs et leur apporte M. Nacer Dib de la Fédération algérienne des enfants adolescents, un monsieur qui œuvre depuis des années avec les jeunes délinquants qui le connaissent tous et qui semblaient rassurés rien que pour sa présence, rien n’est encore fait pour changer le sort de ces jeunes et atténuer leur souffrance.

Structurer la lutte contre la délinquance juvénileEn plus de la cellule d’écoute et de protection des mineurs, créée au niveau du commandement de la Gendarmerie nationale, une autre brigade de la protection de l’enfance et de la délinquance juvénile est chapeautée par la Sûreté de la wilaya d’Alger. L’officier, Khaled Oualihine, nous dira à ce sujet que cette brigade œuvre pour la protection des mineurs des dangers physiques ou moraux. Ils procèdent en prenant contact avec les parents ou les tuteurs, et en présence de ces derniers, après une enquête approfondie dans les cas où ils auraient commis des délits ou crimes, ils seront présentés au parquet et orientés vers les centres de protection de l’enfance et de la réinsertion sociale.Lors des tournées nocturnes qu’effectuent les éléments de la Sûreté de wilaya, de la Gendarmerie nationale et des associations de l’aide à la jeunesse, les mineurs sont interpellés sur la voie publique.M. Ali Saâdna, à la tête de l’association Info.com.jeunes, spécialisée dans l’information, l’éducation et la sensibilisation des jeunes en allant vers les délinquants pour les prendre en charge psychologiquement, médicalement et socialement, insiste sur la nécessité d’impliquer les institutions étatiques dans le suivi et l’accompagnement des jeunes pour les réinsérer dans la société. Il nous dira qu’après : “La désintoxication, si les conditions sociales ne suivent pas, le jeune retombe dans la désillusion, et dans la rue, le mal se répétera et tous les efforts consentis resteront vains”.

H. Hayet

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