Le procès, tant attendu de l’affaire Khalifa, s’est ouvert hier matin, au tribunal criminel Blida sous haute surveillance et en présence d’une nombreuse foule composée de journalistes, de parents des prévenus et autres témoins. Dans cette affaire troublante et surtout complexe, environ 104 personnes sont poursuivies en justice pour les chefs d’inculpations d’association de malfaiteurs, d’escroquerie, de vols qualifiés et de falsification de documents officiels. Sept personnes dont Abdelmoumène Khalifa, se trouvent toujours en cavale. Au cours des prochaines audiences, il sera question dans le traitement de cette affaire sulfureuse d’un trou de 3,2 milliards de dinars relevé dans la caisse principale de la banque après constatation de nombreuses irrégularités dans la gestion des dépôts et le non-respect des règles régissant l’octroi des crédits. Lors de son intervention, Me Fatiha Brahmi, juge du tribunal de Blida, a beaucoup insisté devant une salle archicomble sur le fait que les audiences ne débuteront qu’après la mise sur pieds d’un plan de travail avec les avocats de la défense. Parmi les 104 prévenus cités à la barre en compagnie de leurs avocats, dont 22 sont des femmes, on pouvait remarquer l’actuel patron du groupe Saidal, Ali Aoun, et l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, signataire de l’agrément portant naissance de la banque Khalifa en juillet1998, Abdelwahab Keramane, ce dernier étant néanmoins absent en ce premier jour. La juge qui donnait l’impression de maîtriser la situation, a souligné que tous les témoins seront présentés devant le tribunal. Etant donné que le procès risque de se prolonger dans le temps, le tribunal fera appel à deux juges supplémentaires. Ensuite, c’était autour des représentants judiciaires des 133 victimes, dont la plupart sont des OPGI et des EPLF de différentes wilayas du pays, des Caisses sociales (CASNOS, CNAS) et des entités publiques à l’instar de Sonelgaz, de l’Entreprise nationale de transport maritime de Voyageurs (ENMTV), de l’entreprise nationale de distribution détail de médicaments (ENDIMED), l’Algérienne des eaux et l’entreprisse de gestion de l’hôtel El Aurassi. Et la liste des victimes ayant déposé leurs fonds dans la banque Khalifa est encore longue à citer. Le moment fort de cette séance a été la citation des témoins au nombre de 300 parmi lesquels se trouvaient, Mourad Medelci, l’actuel ministre des Finances, Abdelmadjid Tebboune, ancien ministre de l’Habitat et Mohamed Leksaci, actuel gouverneur de la Banque d’Algérie. De leurs côtés, Sidi Said et Aboudjerra Soltani, respectivement secrétaire général et patron de l’UGTA et du parti Hamas, étaient absents lors de leurs citations en tant que témoins. Ce qui a fait sortir la juge de ses gonds en estimant qu’ils seront ramenés et mis à la disposition du collectif de la défense conformément à la loi. De nombreux dirigeants du monde sportif ont été également cités comme témoins à l’exemple de Youcef Djebari (MCO), Lefkir (CRB), Medouar (ASO), Mohand Chérif Hannachi (JSK), Said Allik (USMA), l’ancien joueur international, Lakhdar Belloumi et l’ex-président de la Fédération algérienne de football, Mohammed Raouraoua. Auxcours des conciliabules entre la juge et les avocats de la défense sur la manière d’établir le plan de travail pour les prochaines audiences, Maître Khaled Berghal est intervenu pour déclarer qu’en tant qu’avocat de la défense, il est de son droit d’exiger la présence de l’ancien chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia pour être entendu comme témoin. Cette déclaration a eu pour effet de ramener un lourd silence dans la salle. « Il faut écouter son témoignage », dira-t-il. Pour sa part, la juge a calmement rappelé que le nom de Ouyahia ne figure pas dans le dossier. Elle a, toutefois, suggéré que si une personne est capable d’apporter le moindre apport, celui-ci sera présenté devant le tribunal. Par ailleurs, les présents se sont retrouvés dans l’après-midi pour s’entendre sur les mécanismes d’organisation des audiences. Un arrêt de renvoi de 199 pages a été rédigé et les charges ont été retenues à l’encontre des accusées dont le principal prévenu est Moumen Khalifa. Cela étant, de nombreux analystes de la scène politique estiment que l’absence du principal accusé à savoir Khalifa Abdelmoumène, réfugié à Londres, laisse un goût d’inachevé à un procès qualifié « d’encombrant » pour de nombreuses personnalités et hauts cadres de l’Etat. Il est utile de rappeler que les déboires du Golden boy algérien ont commencé en février 2003 lorsque trois de ses cadres, qui tentaient de quitter le territoire national, ont été arrêtés en possession d’une mallette contenant la somme faramineuse de deux millions d’euros. Peu après, la faillite du groupe est intervenue durant le mois de juin 2003. L’instruction de cette affaire a été entamée début 2004 et pris fin en juin 2006. Ce procès sera-t-il l’occasion pour faire éclater la vérité, toute la vérité sur une escroquerie vécue par l’Algérien comme une humiliation ou ira-t-on vers une parodie de procès ? Khalifa, le délinquant en col blanc, sera-t-il présent pour assister à son propre procès comme le stipule la convention d’extradition signée entre l’Algérie et la Grande-Bretagne ? Autant de questions sur lesquels l’avenir se chargera de répondre.
Hocine Lamriben