“La décentralisation n’est pas une nécessité, mais elle s’impose”

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La Dépêche de Kabylie : vous soutenez que le développement local intégré n’implique pas nécessairement la décentralisation. Jusqu’à quel niveau peut donc agir le local librement pour mener son propre développement sans se référer aux financements centralisés ?

José Boneyème : Le développement local intégré ne dépend pas de la décentralisation. Mais si celle-ci existe, tant mieux. Le développement local intégré se fait au niveau local, maintenant la question qui se pose : de quel local s’agit-il ? Il y a à mon sens, plusieurs échelles du local, la première est celle constituée de l’individu, d’une personne ; alors le développement local commence au niveau de l’individu. Donc, ce que l’on demande à l’individu, c’est le changement de mentalité, c’est aussi comprendre que pour générer une dynamique de développement, il faut que cela s’amorce au niveau de la personne. C’est en chacun de nous que réside le point de départ de la dynamique de développement. Un comportement qui donnera l’effet de contagion et qui finira par créer une synergie et dès lors, passera au deuxième niveau de l’échelle locale qui est l’espace ou ce qu’on appelle en Algérie, une wilaya, une commune…

La régionalisation, sous n’importe quelle approche politique soit-elle, s’impose-t-elle réellement pour pouvoir parler de développement local intégré lequel nécessite, tel que vous le défendez, une pensée locale et non globale ?

La régionalisation est souvent considérée comme le véhicule qui transporte deux réalités différentes. La première étant celle qui dit que la décentralisation est une opération de la régionalisation, la seconde réalité, c’est la déconcentration. Donc, lorsqu’on parle de la régionalisation dans le contexte du développement local, c’est sous-entendre le pouvoir de prendre certaines décisions au niveau de la région. Cela se fait par la décentralisation qui consiste à amener les centres de décision de l’Etat vers les instances régionales ou par la déconcentration qui consiste à garder les pouvoirs de décision au niveau de l’Etat mais on les déconcentre de la capitale vers les représentations de l’Etat en milieu régional.

A quel niveau de participation peuvent aller les minorités ethniques, sociales et celles de la diaspora dans le processus du développement local ?

Permettez-moi de vous parler de ce qui se passe au Canada, plus précisément au Québec. Le gouvernement ne traite pas avec les communautés immigrantes ou culturelles sur le sujet de la décentralisation, celle-ci s’opère entre la fonction publique, entendre par-là l’Etat québécois, et les gestionnaires élus des régions.

Donc, lorsqu’on parle des sujets liés à la décentralisation au Québec, les centres de décision passent de l’Etat vers les fonctionnaires régionaux, plus précisément, aux élus des milieux régionaux. En l’absence de comités de villages, contrairement en Algérie, le développement local implique en premier lieu et d’une façon directe, l’individu, ensuite ça remonte vers la municipalité en tant que groupe d’individus représentés par les élus puis la municipalité régionale de comté. Les individus, les comités de citoyens ou comme cela existe chez vous, les comités de villages et associations, constituent ce qu’on appelle des groupes de pression, de lobbyistes qui peuvent militer pour telle ou telle cause, et croyez-moi, au Québec, on les intègre comme des partenaires à part entière dans le processus de développement.

Quelle est l’approche la plus forte entre le développement local intégré et la mondialisation ?

Le développement local intégré et la mondialisation n’agissent pas au même niveau, mais sur les mêmes échelles territoriales. La mondialisation agit sur l’échelon mondial, elle traite avec les flux qui impliquent les Etats, contrairement au développement local qui agit à partir de l’individu vers les formations sociales.

Donc, ce sont deux voies qui ne se croisent pas, sinon, l’un est une voie d’échappement contre l’autre, c’est à dire, le développement local intégré est une voie d’échappement contre le poids de la mondialisation qui pèse sur les Etats au niveau des individus et les sociétés locales possèdent cette alternative qui leur est laissée pour pouvoir s’organiser et concevoir le type de développement authentique et endogène.

Entretien réalisé par M.A.Temmar

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