Le spleen des pêcheurs

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Alors que les responsables du ministère de tutelle ne cessent, depuis plus d’une décennie, de concevoir des plans d’amélioration de la production des espèces aquatiques, les ports d’Algérie et particulièrement celui de Zemmouri demeurent confrontés à moult obstacles.

En plus des difficultés liées à leur métier, les pêcheurs déplorent l’exiguïté du port de l’ex-Courbet, son enlaidissement et sa mauvaise prise en charge par les autorités locales.

Rencontrés hier matin à cet endroit, des pêcheurs ont soulevé tout d’abord le problème de la cherté du matériel.

Pour une grande embarcation, il faut des filets dont le coût dépasse 200 millions de centimes. Le prix du moteur s’élève, lui, à 33 millions de centimes, a-t-on ajouté. L’achat d’autres pièces ou les dépenses pour leur réparation se chiffrent aussi en millions de centimes. “Que gagne-t-on finalement ?”, s’inquiète Fodhil, 30 ans environ.

Ce jeune au teint basané affirme qu’“en période hivernale, on ne ramène à chaque sortie que trois ou quatre caisses de sardines. Soit 10% de la quantité enregistrée en été. Mais en période caniculaire, le prix du poisson baisse sensiblement — atteignant parfois 5 DA le kg — en raison de l’augmentation de l’offre”.

En termes clairs, les propriétaires de bateaux-il y en a ici près de 75 dont 68 sardiniers, trois chalutiers et autres petites embarcations surtout-les petits pêcheurs trouvent rarement leur compte.

“Que gagne-t-on?”, s’interrogent encore ces pêcheurs en rappelant que leur activité est souvent liée aux conditions climatiques. On craint, en effet, le mauvais temps au cours duquel aucune embarcation ne peut rester indemne dans le bassin. Et les chiffres d’affaires baissent inéluctablement, en période des fortes houles puisqu’on ne prend guère alors le risque de sortir en mer.

Et chose encore inquiétante, le fond du bassin de cette enceinte portuaire est constamment envasé, plein de déchets de toutes sortes. On largue les amarres avec beaucoup de prudence, mais le quai est saturé. Bousculade indescriptible, au retour, pour trouver une place. “Ce métier est notre seul gagne-pain dans cette contrée”, renchérissent les petits pêcheurs. Lesquels déplorent dans la foulée, l’inexistence de l’éclairage public dans ce port, la non-électrification de leur dortoir, construit il y a quelques années près de la jetée-ouest. “Mentionnez aussi, ont-ils ajouté, qu’il n’y a même pas de toilettes dans ce centre d’hébergement”.

Pour se restaurer, on se rabat sur des gargotes ou ces petites vendeuses de sandwichs alignées, juste à l’entrée du port. L’endroit croule sous des tas d’immondices et l’odeur des sardines grillées, celle enivrante de la grande bleue qu’on y ressentait naguère a bizarrement laissé placé à d’autres odeurs nauséabondes. “Lors des différentes campagnes électorales, les candidats des partis en lice ont tous promis la prise en charge de nos doléances”.

En réalité “les aides financières n’ont été pratiquement octroyées qu’à des personnes étrangères au métier de la pêche et à la région”, se désolent les gens de Zemmouri. Veut-on les contraindre à tourner définitivement le dos à la mer ?

Salim Haddou

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