Une troupe venue du théâtre régional Azzedine-Medjoubi de Annaba a agréablement plongé, avant-hier, les Bouiris dans un récent passé où le jeu de planche vaquait à ses préoccupations de dire la liberté, ne se doutant pas un instant que de piètres acteurs politiques formés dans des halaqat assassines allaient le faire taire.
Avant-hier, ce sont les Boualam zid el goudam, Babor ghrek, Anta khua oua ana chkoun ”…et Azzedine Medjoubi que Djayeh, qbih oua medjnoune (l’idiot, le mauvais et le fou) a ressuscité au grand bonheur d’un public qui commençait à désespérer et à croire que c’en était fini de la culture, à Bouira du moins.
Un jeu de scène admirablement interprété par Abdelhamid Kouri (le mauvais), Toufik Mechich (l’idiot), Hamid Kouri (le fou), Djazia Boumali et Zahia Zaid a, près d’une heure et demie durant, capté toute l’attention du public de la salle Errich lequel, par un étrange effet de mimétisme, est quasiment devenu le sixième acteur. C’est dire le professionnalisme de Djamal Hamouda, réalisateur de cette pièce, des acteurs mais aussi celle de l’équipe technique.
Djayeh, qbih oua medjnoune raconte l’histoire de trois frères épris secrètement d’une même jeune fille.
Chacun l’aime à sa façon : follement, méchamment ou anarchiquement. Seulement, personne ne pouvait aller au terme de son amour, avant l’ouverture de l’enveloppe laissée par le défunt père.
La lettre à ouvrir au moment de l’éclipse, selon la volonté du père, est censée contenir la nature de l’héritage et le nom de l’héritier. En attendant le jour ‘’J’’, les trois frères manigançaient, complotaient, manoeuvraient, calculaient… le tout sur fond de réparties et de gestuelles à se tordre de rire.
L’intrusion, par moment, de la musique d’Ennio Morricone dans Le bon, la brute et le truand ajoutait un petit quelque chose de démentiel vite rattrapé et ramené à la réalité algérienne par une musique du terroir.
Car en fait, il ne s’agit que de la réalité algérienne que les acteurs tournent en dérision. On y retrouve cette anarchie, cette folie et cette mauvaise foi qui caractérisent l’effervescence du pays. “Yenâal bou lfoudja li tredjeâ lmedjnoune soltane” (au diable cette anarchie où les fous deviennent rois) !, hurle la jeune convoitée qui, vous l’auriez compris, symbolise l’Algérie.
Bravo aux acteurs et actrices qui ont permis au Bouiris assoiffés de beauté de vivre quelques moments de bonheur ! Bonne continuation à Omar Reghal, le nouveau directeur de la culture qui a l’envergure qu’il faut pour réinventer la culture à Bouira.
T.Ould Amar