De l’argent distribué dans un cartable…

Partager

Le tribunal criminel près la cour de Blida a repris avant hier, ses audiences avec l’audition d’un nombre de dirigeants d’entreprises publiques ayant fait un placement de fond dans la banque Khalifa. Le premier à être cité en sa qualité de témoin est Abou El Kacim Chawki, président directeur général de la société de transport du blé, une filiale de la SNTF. Il affirme avoir pris la décision par son gré sans passer par le conseil d’administration pour un dépôt en deux reprises en 2002 de l’ordre de 40 millions DA en contrepartie d’un taux d’intérêt de 10 %. « Notre argent était à la BADR pour un taux d’intérêt de 5 % et on a appris que la banque Khalifa offrait des taux intéressants », explique-t-il et d’ajouter que cette décision relevait des prérogatives du PDG. connaissait-il la teneur de la circulaire de 1984 interdisant aux entités publiques de mettre leurs fonds en dehors du trésor public ? Le témoin dit n’avoir jamais reçu une telle circulaire, soulignant que les placements de sa société n’ont pas été récupérés. La présidente de l’audience, Mme fatiha Brahimi, fait appel à un autre témoin en la personne de, Tarzalt Akli, PDG de GCP, une filiale du géant pétrolier SONATRACH. Il soutient qu’une délégation de Khalifa Bank est venu leur proposer de mettre leurs avoirs dans la banque en contrepartie d’avantages de transferts aériens et un taux d’intérêt surprenant de 14 %. Tarzalt estime qu’il n’a pas fait de placement parce que la direction générale leur avait de temporiser.. S’agissant d’autres privilèges, il dit que l’agence d’El Harrach leur envoyé des imprimés à remplir pour adhérer à un club d’hommes d’affaires. « Une carte nous à été envoyé. Je ne l’ai jamais utilisé », dira-t-il. Mme Brahimi interroge du box des accusés, Aziz Djamel, directeur de l’agence bancaire d’El Harrach, pour lui demander si M.Tarzalt était un grand client. « C’est la direction du réseau qui leur fait des propositions », bredouille-t-il.

De son coté, Mohamed Laouani, ancien PDG de l’entreprise nationale des travaux des puits, sise à Hassi Messaoud, estime qu’un dépôt de 100 millions DA a été effectué dans l’agence d’El Harrach avant son arrivé dans son poste. « Le directeur des finances a motivée ce dépôt par une rentabilité économique et que la plupart des filiales le faisait », observe le P-dg avant de confirmer que le placement de 200 millions DA se sont »évaporés dans la nature. »

Par ailleurs, le tribunal cite à la barre en tant qu’accusé pour la deuxième fois, Hocine Souamli, ancien directeur de l’agence bancaire des Abattoirs d’Hussein Dey. L’inculpé se retrouve sous la coupe de nombreux chefs d’inculpations, entre autres, association de malfaiteurs, abus de confiance et falsification de relevés bancaires. Durant sa première audition, il avait qualifié de « transfert de fonds légal » le trou financier de 50 milliards de centimes constaté après l’installation de l’administrateur provisoire.

Transfert fictif d’argent…

La présidente de la cour l’interroge alors sur la convention signée entre Foudad Adda et Moumen Khalifa. L’accusé rappelle que la direction générale avait fait le transfert de la représentation de banque en France vers l’agence des Abattoirs en début du mois de novembre. La juge veut savoir comment il pu y avoir un transfert alors que la décision du gel du commerce extérieur était en vigueur. Soualmi assure que le transfert était antérieur au gel. Non convaincue, Mme Brahimi lui fait savoir qu’il avait affirmé devant le juge d’instruction qu’il n’avait reçu aucun document de la banque Khalifa prouvant le transfert réel des sommes de Foudad Adda.. « Que se soit en Algérie ou en France, son argent était à Khalifa Bank », lâche Soualmi. La magistrate opine que le transfert était fictif alors que le client pensait que son argent était transféré vers l’agence des Abattoirs. L’inculpé dira : « Moi, j’ai les documents, j’ai l’aval de la direction générale », se défend Soualmi. La juge l’entraîne vers un autre sujet. Elle lui fait rappeler ses déclarations devant le juge d’instruction lorsqu’il avait estimé que les sommes n’avaient jamais été transfèrées et qu’il avait rédigé un écrit en tant que représentant de la banque Khalifa en France. « C’était une attestation de solde ». Mme Brahimi : « Est-ce que vous aviez le droit de signer les documents ? ». « C’était une exception », répond-il. A la question de savoir si l’argent avait emprunté un canal légal qui est la banque d’Algérie. Négatif réplique Soualmi. « Est-ce que vous aviez l’autorisation d’effectuer des opérations bancaires à l’étranger ? », lui demande la juge. Il répliquera “j’étais en détachement. Les dossiers administratifs étaient du ressort du P-DG ». A la question de savoir si le contrat d’hypothèque avait été enregistré. L’inculpé rejette la balle aux services des affaires juridiques de la banque Khalifa. Toutefois, la magistrate lui fait savoir qu’il n’y a pas eu de documents comptables prouvant que la somme en euro a bien pris le chemin de l’agence des Abattoirs.

L’ancien chef d’agence de Hussein Dey dit que ces opérations ont été couvertes par la direction générale. Plus loin, il estime avoir bénéficié d’un prêt de la banque Khalifa pour l’achat d’une maison. « Est quelle maison ! », s’exclame Mme Fatiha Brahimi. Soualmi argue qu’elle était sous son nom parce que son père avait un logement de fonction. « Les documents sont disponibles », assure-t-il. Pour sa part, le représentant du ministère public lui demande comment faisaient-ils pour verser les intérêts vers le compte du client alors qu’il n’y avait au niveau de la représentation de la banque Khalifa en France qu’un seul compte. Selon l’accusé, « le client peut les avoirs par voie de versement dans d’autres comptes domiciliés dans d’autres banques » Etonné, le procureur général constate que cela ressemble au « trabendo ».

Maître Ali Meziane revient sur la somme de 15 millions DA qu’il avait donnée à Karim Boukadoum. Il lui demande quel genre de documents il avait établi. « Des EES ont été établis et mis dans des sacs cadenassés. Il n’y a pas d’accusés de réception », répond-il.

Les 80 allers-retours vers la France

Hocine Soualmi affirme qu’il lui arrivait de refuser d’obtempérer aux ordres écrits et verbaux de Moumen Khalifa. En conséquence, il dit en avoir subi le châtiment, une suspension, de l’ex-golden boy d’Alger. Le procureur demande à Soualmi de savoir qui payait les 80 allers-retours vers la France. « Les voyages d’Air Algérie je les avais payés même et les vols en mission c’est normal que qu’on me paie le billet », note Hocine Soualmi. Après lui, un autre accusé est cité à la barre. Il s’agit de Mohamed Ghouli, chef de service administratif à l’agence bancaire des Abattoirs. Ancien fonctionnaire à la BDL de Hussein Dey entre1988 et 1998, il rejoint l’agence en question en 1999 avant d’occuper le poste de directeur adjoint en 2002. Il avoue n’avoir « jamais » remis de l’argent à qui que ce soit en dehors de la personne de karim Boukadoum, pour lequel il avait remis la somme de 3 millions DA. “Je lui avais demandé sa pièce d’identité et je lui avais remis l’argent après qu’il eut à me signer une décharge », relate-t-il. Mme Brahimi lui demande pourquoi il avait remis cet argent alors qu’il n’était qu’un administrateur. « Le directeur a précisé verbalement que c’était son argent (celui de Boukadoum, ndlr) », se justifie-t-il avant de dire que c’était une « opération exceptionnelle ».

La juge demande: « Soualmi disait que l’argent allait dans des sacs cadenassés avec les EES. Boukadoum venait avec un cartable ? », Ghouli acquiesce du chef. Sur ce la présidente fulmine : « C’est quoi cette opération ? Une personne étrangère qui vient avec un cartable pour avoir une somme de 3 millions DA ! Mais, il y a des services habilités àfaire ça ».

Il reconnaît que des gens venaient dans le bureau de Hocine Soualmi avant que ce dernier leur donne de l’argent au niveau du coffre de l’agence. Ghouli dit qu’il avait obtenu un crédit de la banque Khalifa pour un montant de 1,3 million DA. Selon le ministère public, il reste 800 000 DA encore à honorer.

Hocine Lamriben

Partager