Un cadre de la police impliqué

Partager

Le procès de l’affaire Khalifa, dans son volet relatif à la caisse principale entame sa quatrième semaine au tribunal criminel près la cour de Blida. Hier, c’était au tour de Foudad Adda, directeur de l’Ecole de police de fille de Ain Bénian d’être appellé à la barre en sa qualité d’inculpé. Il est poursuivi, selon l’arrêt de renvoi lu par Mme Fatiha Brahimi, présidente de la cour, pour plusieurs chefs d’inculpation, entres autres, escroquerie, abus de pouvoir, corruption, falsification de documents bancaires et complicité dans l’abus de confiance. D’emblée, Foudad s’estime être « victime ». «Il m’ont pris mon argent et je me retrouve en prison», dira-t-il et d’ajouter qu’un certain Zerrouk l’a mis en contact avec Hocine Soualmi, directeur de l’agence bancaire des Abattoirs. Avant de mettre son argent dans la banque El Khalifa pour un taux de 16 %, il raconte que son argent était dans la BNA en contrepartie d’un taux de 18 %. La présidente du tribunal lui fait savoir qu’il avait affirmé devant le juge d’instruction que ses relations se sont approfondies avec Soualmi. L’accusé : «Je suis très accaparé par mon travail. Je passais uniquement dans cette agence le jeudi pour voir mon ami». La juge lui demande l’origine de son argent. Foudad répond que son père était un entrepreneur et que son argent était resté longtemps à la BNA. Mme Brahimi tente de savoir s’il savait que Khalifa avait une banque en France. «En 1974, je suis parti à Lyon dans le cadre d’une formation. Alors, on m’a demandé d’ouvrir un compte dans lequel il y avait 4 500 FF. Ensuite, je suis parti dans une autre école de CRS à Paris (…) Mon vœu était de rapatrier mon argent en Algérie à la retraite», relate-t-il. «Cela n’est pas une banque !», objecte Mme Brahimi. Foudad explique comment il a eu à faire deux conventions dotées chacune de 1.5 francs français et une autre de 152 000 FF pour un taux d’intérêt de 14%. Il dit avoir donné ses chèques à Soualmi en Algérie alors que la signature des conventions est intervenue en France. La juge intervint pour lui rappeler qu’il n’y a jamais eu de banque, ni d’argent. L’accusé persiste et signe qu’il y avait un appartement sur lequel il y avait une plaque indiquant à l’entrée “banque Khalifa”. Il revient sur les conventions pour rectifier le tir en affirmant que la seconde convention était dotée de 1.4 million FF. «Les conventions étaient signées avec Moumen Khalifa», lui dit la juge. L’accusé : «Les conventions étaient préparées. Il ne restait que ma signature. J’en ai paraphé deux en France et l’autre en Algérie». La juge lui demande s’il lui avait donné un chéquier ou un numéro de compte. «J’ai une décharge», réplique-t-il. «Comment aviez-vous mis votre argent à Khalifa Bank alors qu’ils te disaient que cet argent était au compte de San Polo?», lui demande la présidente, Mme Brahimi.

Foudad : «Je leur avais dit que s’il y a pas de rapatriement, je retire mon argent».

Des documents contradictoires

La magistrate revient sur les conventions. Elle veut savoir comment il a pu signer des conventions avec des gens qu’il ne connaissait pas. «Soualmi m’a signé une décharge», ne cesse-t-il de répéter avant d’indiquer avoir saisi Khalifa par une lettre officielle en date de 22 mai 2002 pour rapatrier son argent dans le but d’un éventuel placement en Algérie. Il dit avoir été informé que l’argent est entre au pays le premier août de la même année. «Il m’ont donné des reçus de versement des trois conventions.» explique-t-il. Interloqué, Mme Brahimi lui demande comment en septembre, ils lui avaient donné une attestation prouvant que son argent était toujours à Paris. Foudad : «J’avais demandé une attestation de tous les soldes à la banque Khalifa». Y confortée dans ses idées, la juge lui fait remarquer que les informations contenues dans l’attestation devaient êtres fiables. Encore mieux, Mme Brahimi lui exhibe une autre attestation que Soualmi Hocine lui avait délivrée en décembre 2002 lui rappelant que tout son argent était à Paris. «Les attestations sont contradictoires», constate la juge avant de lui demander s’il savait que son argent était vraiment rapatrié. «Je ne savais pas», répond-il. Plus loin, Foudad raconte qu’il a demandé à Soualmi de retirer son argent. Mais qu’il n’y avait, selon lui, ni devises, ni dinars dans l’agence des Abattoirs en janvier 2003. La magistrate appelle Soualmi pour une confrontation. Debout au box des accusés, ce dernier soutient que Foudad lui avait proposé de fructifier son argent. Des propos fortement contestés par Foudad. Il dit que Soualmi lui avait proposé de couvrir la dette de 52 millions détenue par Bourayou et Mostefa Bouhedda. «J’avais signé un nantissement comme quoi je mets à la disposition de ces gens la somme de 52 millions en contrepartie d’une reconnaissance de dette. Logiquement, je devais les avoir dans les 6 mois qui suivaient», note-t-il. La juge intervient pour lui dire qu’il y avait deux contrats : celui d’une reconnaissance de dette de Bouhedou et Bourayou et le nantissement qu’il avait fait de manière illégale à la banque

La magistrate lui fait remarquer que la somme de 52 millions devait être transférée comme le stipule la loi. Foudad Adda tente de s’en laver les mains en estimant que cela était du ressort de la banque. «Quel est votre avis sur la main-levée qu’avaient eu Bourayou et Bouhedda sur l’hypothèque sans que l’argent soit transféré», questionne Mme Brahimi. L’accusé ne trouve pas de réponse. «Je ne suis pas spécialiste en la matière», dira-t-il, ajoutant que le nantissement était conclu avant l’arrivée de l’administrateur. La présidente du tribunal reprend la parole pour l’interroger sur ses biens. Il note que la villa qu’il possédait avait été louée à l’ambassade du Mexique et celle du Burkina Faso. Sur ce, la juge constate : «Il y avait deux contrats de location à votre nom et celui de votre père». Foudad rappelle que ces contrats ont été annulés par un décret en 2003. La magistrate lui demande de savoir s’il avait un commerce. «Je l’avais sollicité pour ma retraite. On m’a donné un local en tant qu’ancien moudjahid». De combien de maisons disposait-il depuis 1969 ? Sans avoir de reponse, Mme Brahimi avance le chiffre de 10 appartements.

11h:17: Ali Benhadj fait irruption dans la salle

A ce moment, l’ancien numéro 2 de l’ex Fis dissous, en quête sûrement de se faire remarquer, fait son entrée dans la salle d’audience et prend place non loin du box des accusés. Tous les regards sont alors braqués sur lui, accompagnés de commentaires. Il a fallu l’intervention de Mme Brahimi pour demander un peu de calme. Continuant son chapelet de questions à l’encontre de Foudad, elle lui demande quel était son rôle dans le placement des avoirs de la Mutuelle de la police dans l’agence des Abattoirs. «Je ne suis pas membre de la Mutuelle de la police. Je n’ai aucun rapport avec le conseil d’administration», se défend-il. L’ancien directeur de l’Ecole de police de Ain Benian soutient avoir bénéficié d’une carte Master Card et un autre Silvercard, sans pour autant les utiliser. La juge l’interrompt pour lui signifier qu’il n’avait pas le droit d’avoir une carte Master Card étant donné que son argent était en dépôt à terme. «J’ai 4000 FF», lâche-t-il sèchement. Par ailleurs, Foudad Adda soulève un point d’une extrême gravité. Il dit avoir été reçu par Djamel Tidjani, adjoint de M. Badsi, liquidateur de la banque Khalifa, pour lui demander de régulariser le nantissement. «Badsi s’est emporté et déchiré la note de traitement devant mes yeux. Dans le document en question, il est écrit que Foudad s’était présenté devant M.Tidjane pour régulariser la situation de nantissement et que la société hispano-algérienne a été apurée».

La colère de maître Miloud Brahimi

Le ministère public prend la parole pour demander à Foudad s’il avait une piscine dans sa villa. Cette question fait sortir de ses gonds maître Miloud Brahimi, jugeant la question trop déplacée du contexte. «On pose des questions en relation avec les faits», tonne-t-il avec rage. Il a fallu tout le tact et le sang-froid de Mme Brahimi pour ramener le calme. Après la remarque de l’avocat de l’accusé, le procureur général tente de recadrer ses questions. Il lui fait savoir qu’il avait affirmé être derrière le placement de 25.3 milliards de centimes de la Mutuelle de la police dans la banque Khalifa. Foudad balaie d’un revers de la main ces propos et dit être membre de la commission du contrôle, non pas celui du conseil d’administration composé de 9 membres, lequel est, selon lui, habilité à faire le dépôt en question. Dans l’après-midi, le tribunal cite en tant que témoin Ali Sadmi, président de la commission de régularisation de la Bourse d’Alger. Selon lui, le placement de la Bourse d’Alger à été estimé à 167 millions DA dans l’agence des Abattoirs et celle de Bouzaréah.

La même somme a été récupérée après le gel des opérations du commerce extérieur de la banque Khalifa en févier 2003. De son côté, Zeriat Mourad, ancien PDG de la Société de génie civil et du bâtiment sise à Boumerdès, affirme qu’il n’a pas eu à faire de placement des fonds de la société en raison des bonnes relations qu’il entretenait avec la BNA. Toutefois, il estime avoir reçu une carte thalasso qu’il n’a jamais utilisée.

Hocine Lamriben

Partager