“J’assume mes responsabilités”

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Le procès de l’affaire Khalifa, qui se tient depuis le 8 janvier dernier, semble prendre un nouveau tournant avec l’audition des accusés et d’autres témoins qui avaient, de près ou de loin, pris la décision de mettre les avoirs des caisse sociales (CNR et CNAS) dans la banque El khalifa. Mustapha Menad, directeur financier de la CNR, est cité hier à la barre en tant qu’accusé pour corruption, abus de pourvoir et perception de biens indus. L’accusé corrobore les propos du directeur général de la CNAS, Abdelmadjid Bennaceur, selon lesquels le conseil d’administration (CA) ne s’est pas réuni en date de 12 février 2001. “Le DG de la CNAS m’a dit que la décision du CA va me parvenir incessamment.”, se défend-il avant de lâcher qu’il y avait une entorse à la réglementation. Selon lui, il y a une correspondance au ministère de tutelle signée par Sidi Said. La présidente de la cour Mme Fatiha Brahimi exhibe le document. “Vous n’aviez pas remarqué que le contenu était faux ?” lui demande-t-elle. L’inculpé avoue: “Il n’était pas valable”. Il dit ignorer si le CA était tenu au courant ou pas. “Je ne suis pas concerné”, dit-t-il. La magistrate : “Pourquoi attendre 45 jours pour informer la tutelle ?” Menad reconnaît qu’ils n’avaient pas respecté cet aspect de la procédure. Il tente de se défendre en déclarant que la CNAS était l’une des dernières caisses à avoir mis ses avoirs dans la banque Khalifa. Mme Brahimi revient à la charge pour lui brandir l’article 50 régissant le fonctionnement et la gestion des caisses sociales. La juge : “Les personnels des agences sont tenus de refuser toute décision du CA non soumise ou non examiné par le ministère de tutelle et ce dans les délais de 45 jours impartis par la loi” Menad reste sans voix. Le tribunal revient sur les avantages découlant d’un tel placement de fonds. Il déclare avoir bénéficié d’un billet gratuit dans le cadre du déplacement des financiers à Saint-Étienne en France. La juge : “votre nom figure sur la liste de grands clients du centre de thalassothérapie de Sidi Fredj”. L’accusé : “j’avais toujours des cartes”. Plus loin, il dément que son fils ou des membres de sa famille aient bénéficié de cartes de gratuité. Le procureur général intervient pour lui faire savoir que c’était lui qui avait exercé des pressions sur le directeur de l’agence de la CNR de Chlef pour faire le placement dans la banque khalifa. “C’est impossible. Il ne peut pas faire un compte courant. Cela appartient à la direction générale”, estime-t-il. Qu’en est-t-il de l’agence de Annaba. ? L’accusé : “Il m’a expliqué que les pharmaciens ramenaient des chèques de la banque Khalifa. Il était normal pour nous de faire le placement pour faciliter les opérations”.

Idjerouiden: « Moumen est un escroc »

Avant lui, c’était Arezki Idjerouiden, ancien patron de la compagnie aérienne Antinea et actuel PDG de Aigle Azur, d’être auditionné. Il dit avoir fait le retrait de 208 milliards pour un avion coûtant à l’époque 210 milliards. Le témoin dit être victime dans cette affaire. Moumen Khalifa est, pour lui, “un escroc”. Le procureur l’interroge sur le contrat passé auprès de l’ancien patron de la banque khalifa. “C’était un contrat de cession d’actions”. Le parquet lui fait savoir que dans le même contrat, il est fait mention de 135 milliards DA. Le PDG d’Aigle Azur : “135 milliards DA est le montant des actions et il y a le montant des comptes courants. Le notaire Rahal m’avait dit de porter uniquement le montant des actions.” Il estime qu’il avait fait son investissement d’une façon transparente.

Les membres du CA enfoncent Sidi Said

Un autre témoin est appelé pour livrer son témoignage dans le placement des avoirs de la caisse nationale de retraite, estimé à 12 milliards de DA. Il s’agit de Abdelmadjid Azzi, ancien membre du bureau et du conseil d’administration de la CNR. Azzi confirme que le bureau du conseil ne l’avait pas informé de la décision de mettre les fonds dans la caisse entre septembre 2001 et octobre 2002. Une fois au courant, il dit avoir saisi le directeur financier, Kerar Slimane, pour retirer l’argent le plus tôt possible car la banque Khalifa montrait des signes annonciateurs de faillite. “Il m’avait dit qu’il avait retiré l’argent”, raconte Azzi. Ce dernier avoue que le bureau avait ajouté une clause à un des PV dans lequel est clairement consigné la décision de mettre les avoirs de la CNR dans banque El Khalifa. D’autres ont defilé devant le tribunal. Ils ont declaré à l’unission qu’ils n’étaient pas au courant de la tenue du CA.

Durant la séance de l’après-midi, le tribunal fait appel à Abdelmadjid Sidi Said, ancien président du conseil d’administration et patron de la centrale syndicale. Il avoue que le CA ne s’était pas réuni en date du 12 février 2002. “J’assume la responsabilité de cette résolution. Elle vient conforter celle du mois d’avril 2001. En septembre 2002, il a été soumis au CA qui l’avait validé”, explique-t-il.

Selon lui, il y avait une délibération en date du 21 avril 2001 sur deux points à savoir le placement des avoirs des organismes sociaux pour plus d’avantages et le second point était la délibération sur la convention de branche. “Il y a une réponse. Une acceptation de la part du ministère de tutelle le 24 avril 2002”. Mme Brahimi lui fait savoir que Abdelmadjid Bennaceur a affirmé qu’il avait reçu une note du président du CA pour faire le placement de janvier. Sidi Said conteste ces propos. “La gestion de l’envoi n’est pas de mon ressort.”, estime-t-il. La juge lui montre le registre sur lequel est consigné la résolution de 12 février et ce avant septembre 1999. “Je n’avais pas du tout consulté ce registre. Je n’ai pas de commentaire à faire”, note-t-il avant de s’exclamer : “Il y avait une faute”.

La juge réagit : “Il y avait du faux !”. Sidi Said tente de se justifier en estimant qu’au niveau de la faisabilité, il y avait un manque d’informations. Le juge lui demande pourquoi avoir informé le ministre alors que cette mission est du ressort de Bennaceur.

Le témoin : “Elle était transmise par le DG de la CNAS ”. Au sujet des 5 conventions de placement, le témoin soutient qu’il n’était informé des détails que le 5 janvier 2007. Il dit être quelque part complaisant dans le retrait du 22 décembre. Il tente toutefois de jeter la responsabilité sur le nouveau CA venu après lui. La juge intervient pour lui dire que le retrait a été fait. Plus tard, il dit avoir informé la tutelle. A la question de savoir sur que base il avait effectué un dépôt à terme le 28 janvier 2002, Sidi Said s’abstient de donner des explications. “Je n’ai pas de réponse”, dira-t-il. Appelé pour la confrontation, le Dg de la CNAS, Bennaceur, maintient les propos tenus auparavant selon lesquels il a eu l’accord verbal du président du CA pour faire le placement dans la banque Khalifa. “Je lui avais parlé. Il était d’accord (…) il était informé, sinon je n’aurais jamais pris la décision sans son aval. Sidi Said était au courant de toutes les opérations qui ont été faites”, raconte-t-il. Maître Bourayou demande au témoin de savoir si les dépôts à cette époque étaient négatifs ou positifs. Sidi Said : “Les intérêts couvraient le fonctionnement de la caisse.” La magistrate : “Mais la procédure juridique a été piétinée.” Selon le témoin, l’UGTA a perdu 8 milliadrs de centimes.

Soltani: « je n’avais rien reçu. »

Boudjerra Soltani, ancien ministre du Travail et de la sécurité sociale et leader du MSP, est cité pour livrer son témoignage. Il précise, d’emblée, qu’il était ministre durant la période allant du 27 décembre 1999 au 28 mai 2001. Cette précision suscite un cafouillage au tribunal. Il dit ironiquement n’avoir rien reçu de Sidi Said, si ce n’était les félicitations à l’occasion des fêtes.

La salle est prise d’un fou rire. Soltani déclare que durant son mandat, l’empire Khalifa n’existait pas. Il se pose comme un sauveur de la CASNOS : “A mon arrivée, le taux de recouvrement était de 16%. Après un travail de redressement, nous avions pu relever le taux jusqu’au 36%”, s’enorgueillit-il. Le procureur lui demande s’il avait entendu parler de la résolution du 21 avril 2001. “Non”, réplique le témoin. De son côté, Mme Chentouf Nadira, presidente de la direction de toutes les caisse sociales au ministère de la Sécurité sociale, estime qu’il n’y avait aucune trace de PV de réunions de la CNR et de la CNAS. Les audiences reprennent aujourd’hui.

Hocine Lamriben

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