Même les chômeurs ont été déplumés

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Après l’audition des responsables de la CNR et ceux de la CNAS, accusés pour certains d’entre-eux, le tribunal criminel près la cour de Blida, a entendu, hier, au 28e jour du procès de l’affaire Khalifa dans son volet relatif à la caisse principale, Rachid Aichar, chargé des opérations financières à la Caisse nationale d’assurance chômage (CNAC) pour s’expliquer sur les placements effectués dans la banque Khalifa. Il est accusé, selon l’ordonnance de renvoi lue par la présidente du tribunal, Mme Fatiha Brahimi, de corruption, abus de pouvoir et perception d’avantages. A la barre, Rachid Aichar explique, d’emblée, que les fonds de la CNAC sont le produit des cotisations, au titre de l’assurance chômage assurées par l’employé et l’employeur. Le conseil d’administration (CA) est composé de 19 membres, parmi lesquels 13 représentent de l’UGTA, deux de l’administration, un représentant des travailleurs de la Caisse et un autre du ministère des Finances. Au sujet des placements, il dira que c’est Mahrez Aït Belkacem, directeur général de la CNAC qui l’a chargé de dégager un montant qui était de 182 millions DA pour un taux d’intérêt de 10%.

La CNAC perd 1.874 milliard

L’accusé rappelle que la résolution portant dépôt de avoirs des la CNAC a été promulguée le 6 aout 2001. Il estime que le premier placement d’un montant de 92 millions DA a été effectué le 9 septembre à l’agence Saint-Georges, pour une durée de 6 mois, tandis que le second dépôt de 30 millions DA est intervenu le 11 novembre 2001 à l’agence d’El Harrach sur une pour de 3 mois. La présidente du tribunal intervient et lui demande de s’expliquer sur les raisons du changement d’agence. « Il y avait des problèmes de stationnement au Saint-Georges », argue-t-il. L’ancien directeur des finances de la CNAC observe qu’ils n’ont rien récupéré, y compris les intérêts du placement. Le chiffre des pertes de la CNAC s’élève à 1.874 milliard. Mme Brahimi lui demande comment expliquer les retards constatés dans le payement des chômeurs à une certaine période. L’accusé tranche : « Il n’ y a jamais eu de retard ».

La juge l’interroge au sujet des avantages qu’il aurait perçus en contrepartie des dépôts. Aichar avoue avoir bénéficié d’une carte de gratuite de voyage qu’il a utilisée lors de ses déplacements vers Annaba et Marseille. « Aziz Djamel, directeur de l’agence d’El Harrach, me l’a envoyé par courrier », relate-t-il et d’ajouter n’avoir jamais bénéficié de carte thalasso. La magistrate : « Et pourtant, votre nom figure sur la liste des bénéficiaires et sur la facture ». Aichar se rétracte : « Je pensais que ce n’était pas un délit, mais une publicité ». Le procureur général prend la parole et interroge l’accusé sur l’ordonnateur des dépôts. « C’est tout l’environnement ambiant. Personne n’a fait cette proposition ». Le procureur lui lance : « En décembre 2002, tout le monde courait pour retirer son argent de la banque Khalifa ». L’inculpé réplique ne pas être au courant de ces faits. Aichar révèle que les conventions ont été signées par Mahrez Ait Belkacem, directeur général de la CNAC. Le ministère public lui demande s’ils avaient posé des questions sur la santé financière de la banque El Khalifa. « En 2001, on avait entendu dire que la banque jouissait d’une bonne assise financière », réplique-t-il. Sur ce, la magistrate intervient : « Par rapport aux placements des travailleurs, des retraités et des chômeurs. Les caisses se sont ruées vers des avantages personnels alléchants au dépend de l’intérêt des travailleurs et des chômeurs ». Aichar tente de justifier les dépôts en déclarant que le premier souci était de faire fructifier l’argent de la caisse. La juge lui demande s’il connait l’ordonnance 1984 interdisant aux organismes publics de déposer leurs avoirs dans les banques privées. « Je n’en avais jamais entendu parler. Elle s’adressait peut être aux entreprise à caractère administratives », répond-il. Mme Brahimi lui demande pourquoi il n’avaient pas pensé à retirer les fonds déposés au moment du gel des opérations du commerce extérieur. L’inculpé : « cela a vait été fait lors de la venue de l’administrateur en 2003 » La juge : « C’était trop tard ! ». À la présidente, il avoue qu’ils n’avaient pas assuré leurs dépôts.

L’argent du microcrédit passe à la trappe

Un autre accusé, en la personne de Mahrez Ait Belkacem, directeur général de la CNAC et également gestionnaire des fonds de garantie du microcrédit, a comparu devant le tribunal. Il est poursuivi pour corruption, abus de pouvoir et perception d’avantages. Il dira que le CA s’était réunie le 6 aout 2001 après la réunion de la commission financière en juin, laquelle a abordé la proposition de faire des placements au sein la banque El Khalifa. Le DG de la CNAC dit avoir transmis le P-V de réunion du CA le 21 août au ministère de tutelle. Mme Brahimi l’interroge  » aviez-vous précisé le nom de la banque ? ». L’accusé répond par la négative. A la question de savoir pourquoi ils avaient choisi la banque Khalifa pour faire leurs dépôts, il affirme que l’environnement y était favorable. « Il (Moumen Khalifa,) venait d’être élu meilleur manager de l’année », se justifie-t-il. Ait Belkacem avoue qu’il avait fait un placement à partir du fonds de garantie du microcrédit chiffré à 1.250 milliard dans l’agence d’El Harrach. Qu’en est-t-il des avantages perçus ? L’inculpé : « J’avais reçu une carte thalasso pour un congé de 6 mois ».

La présidente de la cour l’interroge au sujet de son fils lequel avait effectué un stage en Grande Bretagne, avant de rallier l’Espagne. Ait Belkacem : « Il répondait aux conditions. Il avait respecté toutes les procédures comme d’ailleurs les 400 admis ». Mme Brahimi lui fait savoir que les 400 admis avaient ce point commun d’être des enfants de chefs d’entreprise et non pas de petites gens.

L’accusé est catégorique : « Je n’avais jamais aidé mon fils ». Le procureur général reprend la parole pour lui faire remarquer qu’il avait pris la décision de faire les placements du fonde de garanti du microcrédit sans l’aval du CA. « C’est une décision unilatérale », note le représentant du ministère public, en lui citant l’article 13 du décret 92-07 stipulant qu’il faut réunir le CA. Ait Belkacem tente des esquives. Il reste évasif sur ce point. Après lui, Amine Mahdid, chargé du secrétariat du fonds de garantie du microcrédit est cité comme témoin. Il charge Ait Belkacem en estimant que toutes les conventions ont été signées par lui. Encore mieux, Mahdid révèle que le conseil d’administration ne s’était jamais réuni.

Hocine Lamriben

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