La poésie au pays du verbe

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Né à Wipthal, dans le Tyrol, vers 1170. Il est curieux que le plus célèbre des créateurs littéraires ait laissé si peu de traces dans les écrits de ses contemporains, ses propres poèmes constituant encore notre plus abondante source d’informations à son sujet. Son lieu de naissance doit être situé non loin de la petite ville de Storting, où se trouve un lieu nommé Hintervogelweide. Tous les auteurs donnent à Walter le titre de  » grand « , ce qui atteste ses origines nobiliaires; il est probable que son père était un officier au service de quelque puissant seigneur. A la fin du siècle, le Tyrol apparaît comme une pépinière d’artistes, la cour de Vienne, relativement proche, étant devenue sous le règne du duc Frédéric un des grands centres artistiques de l’Allemagne. C’est là que Walter débute sa carrière de poète et de chanteur, sous la direction de Reinmar de Haguenau, dont il devait faire plus tard l’oraison funèbre dans deux de ses plus beaux poèmes. Le connaisseur qu’était le duc Frédéric sut l’apprécier dès ses débuts, mais, à la mort du souverain, lui rend l’existence hasardeuse et assez misérable. C’était un poète « ambulant ». Pendant des années il pérégrina à travers toute l’Europe centrale, de la Haute Italie à la Baltique, de la Hongrie à la Lorraine, se liant avec de nombreux princes tels que le duc de Carinthie, le duc de Bavière, le margrave de Meissen… Livré à la merci de la charité de ses hôtes, souvent payé de quelques louanges et rien de plus, parfois même expulsé comme un valet, car sa verve sarcastique ne manquait pas de lui faire des ennemis. En embrassant la cause des empereurs contre la papauté, Walter Von allait trouver un sujet à sa mesure. En 1197, il se mit au service du prétendant Philippe de Souabe et mena pour lui, en poèmes, une ardente campagne électorale contre le parti guelfe; c’est un peu comme à un triomphe personnel qu’il assista au couronnement de Philippe, qui eut lieu à Mayence le 18 septembre 1198. Après avoir fait une apparition à la cour tenue à Magdebourg à la Noël de 1199 par le nouvel empereur, Walter reprit sa course; on le signale à Vienne pour la Pentecôte. En novembre de la même année, il voyage en compagnie de l’évêque de Passau. Mais voici que le combat patriotique l’appelle à nouveau : Philippe étant mort, Walther entre en lice pour la cause de l’empereur Letton en lutte contre le pape Innocent III. Il soutenait Friedrich de Hohenstaufen; pourtant, Friedrich seul incarne l’avenir impérial, Walter se rangera à ses côtés et en sera récompensé par l’attribution d’un petit fief en Franconie, où il prit pendant quelques années un repos bien gagné. Dès 1217 il est de retour à Vienne et va apporter le renfort de son éloquence à la croisade entreprise par Frédéric. L’un de ses chants, qui célèbre l’émotion des pèlerins apercevant pour la première fois la Sainte, semblerait indiquer que Walter prit personnellement part au lointain voyage, à la suite de l’Empereur. Il est plus probable que, parti en effet avec les croisés, il n’alla pas au-delà de son Tyrol natal. II est certain en tout cas qu’il mourut en Allemagne et fut enterré dans le cloître d’une fameuse cathédrale. En partie, parce qu’il fut le défenseur infatigable des droits de sa patrie contre les prétentions de la papauté qui ne l’empêchait pas d’être fort religieux. Walter Von a conquis une place à part dans les groupes des artistes de son époque. Dépassant les limites superficielles de la courtoisie, il a été le premier chantre national de l’Allemagne. Pourtant, s’il reste un témoin hors pair de la mentalité de son époque et s’il a su donner souvent à sa veine politique une expression passionnée, comme dans son Chant en l’honneur des femmes allemandes, il se montre encore supérieur, au point de vue littéraire, dans ses vers d’amour. Y a-t-il de création poétique plus belle que celle qui évoque l’amour ?

Y. C.

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