Par Anouar Rouchi
Un chef de parti politique vient d’être nommé, dans la foulée du remaniement partiel du gouvernement, au poste énigmatique de ministre d’Etat sans portefeuille. Des mauvaises langues racontent qu’il aurait remis, il y a de cela quelques mois, à la présidence de la République, une liste de quatre ministrables de son parti sur laquelle il aurait écrit quatre fois son propre nom. Du coup, c’est dans ses propres rangs que le vent de la révolte gronde. Ce parti, dont les cadres sont connus pour passer maîtres dans la technique du grand écart, partage le pouvoir depuis une décennie. Il y prend goût c’est normal dans un pays où l’accès à la responsabilité sonne plus souvent comme une récompense que comme un engagement. C’est un parti qui soutient officiellement Bouteflika, mais qui ne rate pas une occasion pour vilipender son programme, c’est-à-dire les réformes qu’il initie, surtout lorsque celles-ci tendent à engager le pays sur le chemin de la modernité. C’est un ardent défenseur de la polygamie, y compris de la polygamie politique lorsqu’elle permet d’accéder à un strapontin bien rémunéré, et ce qui ne gâte rien, sans cahier des charges, c’est-à-dire sans tâche précise sur laquelle il pourrait être appelé à rendre des comptes. Une véritable sinécure en vérité !La démarche fait recette chez la quasi-totalité de la classe politique. Elle est aussi peu contraignante que payante. Il ne s’agit surtout pas de s’encombrer de programme ni de convictions, l’essentiel étant de miser sur le bon cheval pour, en bout de course, ramasser les dividendes…La presse qui a célébré sa Journée internationale cette semaine n’est d’ailleurs pas tendre avec cette même classe politique dont elle exagère parfois les tares. Mais malheureusement, cela se fait de manière sélective. La vérité est qu’il y a un réseau de tunnels souterrains inextricable qui relie des rédactions à des officines plus ou moins obscures ainsi qu’à des sièges de partis politiques. Il se dit d’ailleurs que c’est l’existence de ce réseau qui a posé tant de problèmes techniques et retardé le projet du métro d’Alger. Prenons un exemple. Un cadre quitte son parti pour des raisons qui lui sont propres. S’il rend une déclaration publique, seuls les titres opposés à ce parti en font état. Par contre, d’autres, à peine la déclaration reçue, s’empressent d’appeler le chef du parti en question non pas pour en savoir plus, mais pour prendre des directives. Sous la dictée du chef, s’écrit alors un curriculum vitae salace du pauvre cadre démissionnaire. En l’espace de quelques lignes, il devient un supplétif de la sécurité militaire, un voleur, un incapable, une taupe, un opportuniste, un voyou dévergondé, un garçon de mauvaises mœurs, etc…Bien sûr, on joue du conditionnel et on signe d’un pseudonyme. Et, la conscience tranquille, on se retrouve tous les 3 mai pour méditer sur la liberté d’écrire. Et de sévir ?
A. R.