Trois syndicats du secteur de la santé de la wilaya de Béjaïa, dont le SNPSSP (spécialistes), le SNMGSP (généralistes) et le Syndicat d’entreprise des travailleurs de la santé SETS affilié à l’UGTA, s’apprêtent à paralyser tous les établissements de santé publique des cinq secteurs à partir du 25 du mois en cours, avec un mouvement de grève saccadé au rythme de deux jours par semaine, ont déclaré les représentants de cette coordination intersyndicale lors d’une conférence de presse tenue jeudi dernier à Béjaïa. C’est suite à un certain nombre de démarches entreprises par ces trois syndicats et après analyse de la situation du secteur de la santé dans la wilaya que les représentants des blouses blanches sont arrivés à une même conclusion : “Le marasme généralisé de ce secteur sensible”. En dépit de l’embellie financière du pays, nous avons remarqué une inertie dans la gestion de la santé avec un secteur de la wilaya qui a atteint des degrés de dégradation alarmants durant les trois dernières années. Ces dysfonctionnements qui constituent selon les conférenciers “des entraves pour une prise en charge efficiente des malades, a commencé depuis l’installation de l’actuel DSPRH qui n’a affiché qu’une volonté de nuire”. Pour mettre en exergue toutes les “failles” ayant mis au ralenti le développement et la modernisation des structures sanitaires, les syndicalistes énumèrent entre autres les manques en matière d’équipement et ce, en dépit des dotations budgétaires, la détérioration et la paralysie quasi totale du parc roulant, ainsi que le déficit asphyxiant en personnels médical, paramédical et autres.
Le réquisitoire ne s’arrête pas là et les protestataires enfoncent encore le clou jusqu’à reprocher à ce DSP qui se trouve dans leur collimateur depuis une année d’avoir “sciemment étouffé tous les projets inscrits par son prédécesseur pour relancer le secteur de la santé de cette wilaya”. Des exemples sont nombreux, à commencer par le secteur sanitaire d’Akbou considéré comme second pôle et qui devait être doté d’un nouvel hôpital, puis d’autres services spécialisés et structures de soins dont les projets sont restés chimériques. Le cas du centre de rééducation d’Ilmaten, du centre psychiatrique de Boukhlifa, du complexe mère et enfant pour réduire des décès évitables et du projet de réalisation d’un méga -P.U. du chef-lieu de wilaya enterré à jamais. Aussi, le cas le plus marquant de cette “gestion à la hâte” est celui du SAMU, “victime d’une mort programmée”. Dans un rapport adressé en octobre 2006 au wali de Béjaïa, ce service ambulatoire relié directement à la DSP et créé en avril 2002 vit ses derniers moments suite à une situation catastrophique selon le constat fait où l’on a même sollicité le SAMU de Tizi Ouzou pour évacuer un malade, cite le rapport.
Interrogés sur le rôle de la tutelle pour mettre fin à cette décadence, les syndicalistes rappellent le constat fait par le ministre lui-même lors de sa visite dans cette wilaya en novembre dernier, confirmant ainsi la dégradante situation de ce secteur malade, sans aller outre mesure et mettre à l’index le premier responsable. “Le ministre s’est contenté de limoger un gestionnaire du secteur sanitaire de Béjaïa”, ce qui est qualifié par ces syndicalistes “de poudre aux yeux qui laisse dire que le DSP agit sous la complicité de quelques responsables du ministère de tutelle”, sinon, “comment peut-on expliquer qu’il continue sans inquiétude à mener en solo sa gestion catastrophique et ce, malgré nos doléances à répétition adressées à qui de droit ?”, s’interrogent les représentants de la famille de la santé. Seules deux commissions ont été diligentées, “suite à nos sonnettes d’alarme” et dont la seconde a débouché sur une rencontre avec ces trois syndicats et qui, selon ces derniers, a abouti au même constat, celui d’une situation grave du secteur. L’on parle aussi de six (6) milliards de centimes alloués pour l’achat d’équipements, renvoyés au Trésor et 200 postes budgétaires de l’exercice 2006 qui n’ont pas été exploités par la DSP.
Les syndicalistes ajoutent que “les quelques projets relancés sont repêchés par le ministre lui-même”. Quant au fameux CHU tant attendu par toute la population, “le projet est renvoyé aux calendes grecques”.
Se disant aussi soucieux et préoccupés par la santé du citoyen, les représentants de l’intersyndicale qualifient cette grève “d’une suite logique des actions menées jusque-là, hélas sans grand écho, ” pour défendre le secteur public qui n’arrive pas à offrir des prestations et les soins à une majorité de patients contraints de chercher du côté du privé ou se tourner vers d’autres wilayas. “Notre wilaya forte d’un million d’habitants mérite mieux et possède des potentialités tant humaines qu’infrastructurelles pouvant assurer l’essor et donner un autre souffle à ce secteur comateux”, pensent les partenaires sociaux de la santé qui jugent que “l’heure est grave et il est temps de demander le départ de ce directeur, responsable du naufrage du secteur de la santé”.
Avançant en outre que plusieurs équipements “de mauvaise qualité”, dont des incinérateurs, des ambulances, des autoclaves et des tables d’opération sont achetés à des prix onéreux, ils laissent penser que “rien ne peut arrêter ce directeur à continuer d’enfoncer davantage le secteur si ce n’est la mobilisation de tous les travailleurs afin de sauver le secteur public, un gagne-pain de quelque
5 000 employés et un lieu de soins pour les citoyens démunis”.
C’est pour cela d’ailleurs qu’ils se lancent contre la montre pour tenir des AG à travers les 5 secteurs pour réussir leur action de grève dont la seule revendication est le départ pur et simple de l’actuel DSPRH. Notons par ailleurs que la chambre administrative près la cour de Béjaïa, ayant statué sur la plainte déposée par les services du ministère de la Santé contre les auteurs du préavis, a rendu un verdict d’incompétence pour interdire la grève, selon nos interlocuteurs.
Nadir Touati
