Par Slimane Laouari
Une lame de fond est en train de traverser la classe politique française à travers ses candidats à la prochaine élection présidentielle. Ce rendez- vous a sonné le glas d’un certain nombre de certitudes même s’il faut attendre que la campagne entre dans sa phase cruciale ou encore que le vainqueur soit connu pour savoir si les généreuses disponibilités à briser les carcans traditionnels sont sincères ou bien procèdent du grossier racolage.
On savait Nicolas Sarkozy prêt à aller chercher les bonnes idées là ou elles se trouvent sans pour autant perdre son âme dont tout le monde connaît le fond. Mais voilà qu’il ratisse tellement large qu’il sera bien contraint à des gestes à ces inespérés soutiens venus d’ailleurs. Et il l’a fait d’emblée, à la faveur de son discours de candidature. Le candidat de l’UMP qui contient désormais sa fougue, va puiser dans le patrimoine gaulliste quelques références en matière de justice sociale, rend hommage à François Mitterrand pour avoir été un » européen convaincu » et pense le plus grand bien de Bernard Kouchner » un homme tout dévoué à l’action humanitaire » avec qui il est prêt à travailler. Coïncidence ou non, c’est après avoir remis un rapport à Ségolène Royal, un rapport qu’elle lui a commandé sur le service civil –il était jusque-là complètement absent de la campagne – que la déclaration d’amour de Sarkozy lui a été rapportée.Travailler avec lui, alors ? Pourquoi pas, a-t-il laissé entendre.Et quand on sait que dans la foulée, le socialiste français le plus populaire avait reconnu qu’il ne trouvait pas sa place au PS et qu’il ne s’en plaignait pas parce qu’il n’était pas un professionnel de la politique, cela va apparemment au-delà des échanges de bons procédés. Accusée de blairisme prononcé par les éléphants socialistes qui viennent pourtant de la rejoindre pour sauver une campagne chaotique, Ségolène Royal a, elle aussi, apporté sa touche à cette lame de fond. En croyant d’abord à sa bonne étoile pour se forger un destin auquel rien apparemment ne la prédisposait et en prenant le risque de se mettre sur le dos quelques intouchables dont Lionel Jospin. Et au moment où elle se rend compte qu’elle ne pouvait pas espérer des ralliements extra-muros alors qu’un joli désordre s’est installé dans la maison, son compagnon de patron du PS persévère dans ses frasques.Alors que tout le monde apprécie le mal induit par la démission d’Eric Besson du staff de campagne, puis carrément du PS, François Hollande parle d’un » incident amical « . Difficile pourtant de minimiser un incident amical quand il s’agit, ni plus ni moins, du départ du conseiller à l’économie de la candidate qui n’a pas été par le dos de la cuiller pour s’expliquer : » nous tirions les conclusions qui ne sont jamais les mêmes et jamais avec les mêmes personnes « . Mais c’est François Bayrou qui est convaincu de tirer le plus grand profit de cette nouvelle manière de concevoir l’action politique. S’il est vrai que l’opinion publique française est mieux préparée à l’écouter parce que cette vision cadre plus avec le discours centriste traditionnel, il n’en demeure pas moins que le chef de l’UDF a intelligemment joué sur une certaine usure du clivage droite-gauche qui ne semble pas profiter cette fois au Front national. Mais dans quelles proportions cette nouvelle donne peut-elle changer les rapports de force ? En tout cas pas au point de confirmer l’optimisme béat de François Bayrou. Seuls à s’installer confortablement dans leurs certitudes, les candidats de » la gauche antilibérale « , euphémisme de récente invention pour dire que désormais le PCF avait des choses à partager avec les trotskistes et les altermondialistes,même s’ils sont toujours incapables de présenter un candidat commun. A l’image de José Bové, rien ne semble perturber leur tranquillité,quitte à aller encore une fois droit dans le mur qui a valu à la France la douche écossaise d ‘avril 2002. Fidèle à lui même, le président de la confédération paysanne qui désespère de réunir les 500 parrainages, menace de sa colère. Il va ainsi à l’élection présidentielle comme il allait détruire le maïs transgénique ou démonter des Mac Do. Decidément, cette campagne promet d’être palpitante. Et pas seulement pour ce qu’elle va voir confrontés comme discours et comme projets.
S.L