La Dépêche de Kabylie : Après les excellents résultats obtenus en 2005, l’année 2006 a-t- elle été un aussi bon cru ?
ll Rabah Moussaoui : Pour l’année 2006 le port de Béjaïa a évalué 13% d’augmentations hors hydrocarbures. En matières uniquement de marchandises spécialisées, manipulables, nous avons réalisé 5 400 000 t. Le trafic global du port est de 14 000 000 tonnes en incluant les hydrocarbures. Au niveau donc du port marchand, ce qui est maitrisable, où notre marketing est concentré, nous avons réalisé 13 % de croissance et nous projetons pour 2007 la même évolution. Depuis 2000 notre objectif était de réaliser un taux de croissance de 10 % et nous avons toujours dépassé de quelques points ce but. Ces augmentations ne sont pas le fruit du hasard. Les efforts d’investissements réalisés et la mise sur pied de terminaux expliquent cette progression.
Où en est-on avec le terminal géré par BMT et qui avait soulevé lors de son démarrage une vive polémique et quelles ont été ses performances si tant est, qu’il en a réalisé ?
ll En 2000, nous étions en queue de peloton pour le trafic-conteneurs, avec 6000 boites/ an. Aujourd’hui, il a été réalisé 23% d’augmentation par rapport à 2005, soit 75 000 EVP (équivalent vingt pieds), soit 12 fois ce que nous faisions en 2000 ! Béjaïa pourtant ne dispose que d’infrastructures classées comme propres à un petit port régional (44 ha seulement).
Pourtant un super porte-conteneur de la compagnie MSC a eu récemment des difficultés au déchargement ?
ll Il ne s’agit pas d’un problème au niveau du parc à conteneur (BMT). Le navire comme vous le dites est surdimensionné : c’est le tout premier navire à rentrer en Algérie avec autant de boites (1 200 boites). Mais il se trouve que ce n’est pas un porte-conteneur, il possède des grues. Le portique s’en est trouvé gêné par ces structures. Par ailleurs, ne manipulant à ce jour que des petits navires, nous avons réglé le portique à 33 m sur une longueur totale de 44 m. Le navire en question faisant 40 m de large, on s’est trouvé confronté à un problème de réglage du portique. C’est donc juste une question de réglage.
Est-ce qu’aujourd’hui BMT donne entière satisfaction ?
ll Toutes les parties prenantes sont satisfaites. D’abord, c’est le premier pour tout le pays. Le choix du matériel rénové a obéi en son temps à des impératifs financiers. Un portique à conteneurs neuf coûte aujourd’hui sept millions d’euros. Celui par nous acquis, rénové, revient à 1 200 000 euros. Il y avait donc un choix à faire. Soit investir et attendre 15 à 20 ans pour amortir les équipements, soit opter pour un matériel conforme au trafic du port, c’est donc l’option d’un investissement à notre portée qui a été fait.
Nous avons en quelque sorte donné la chance à BMT de s’autofinancer et de s’autoéquiper. Aujourd’hui nous réalisons les rendements qui sont ceux du sud de l’Europe (Marseille, ports Italiens). Avec une moyenne de 24 boites à l’heure pour des journées de 18 heures, nous sommes dans les normes internationales.
Le commun des citoyens en évoquant le sea-line parle d’argent public jeté par les fenêtres. Quel est votre point de vue ?
ll C’est un bon investissement car prévu pour les tankers. L’Algérie exporte vers des pays lointains : USA, Chine… les 80 000 tonnes sont dépassés. Pour réaliser des économies d’échelle, vu le prix du baril, les acheteurs vont favoriser les gros porteurs. Nos ports par ailleurs, sont limités en capacité. La solution de la bouée au large s’impose d’elle-même. Maintenant, il reste l’équipement de pompage pour augmenter la capacité de chargement. Nous avons eu à charger à partir du sea-line trois navires de 120 000 t et cela sans le moindre pépin. Le sea-line est donc opérationnel à cent pour cent.
Qu’en est-il de sa fiabilité ?
ll Il y a eu l’incident de Skikda avec une perte de 500 tonnes de pétrole. Mais nous pensons que si le sea-line est bien entretenu, il n’y a aucun risque. Cela dit, nous sommes encore au stade de l’apprentissage car il s’agit pour nous d’une nouvelle technique de chargement. Nous avons même prévu une formation en Egypte.
Quelle est la recette de ces performances ?
ll Elle est très simple : elle s’articule autour du travail. Il faut prévoir les choses avant de les subir. Il y avait une place à prendre et nous l’avons prise. Après avoir établi un juste diagnostic, nous nous sommes attaqués à nos points faibles. C’est ainsi qu’on a mis en place les moyens de gestion moderne du genre comptabilité analytique, liaison informatique avant de nous attaquer à la qualité de nos prestations. Un plan d’actions visant à équiper le port de tous les équipements qu’il n’avait pas, a été dégagé. Et le plus grand projet qui fait aujourd’hui notre fierté est le dragage, car rares sont les ports aujourd’hui qui peuvent recevoir des navires de 50 à 60 000 tonnes. Béjaïa les reçoit !
Quelles sont vos perspectives de développement à court terme ?
ll Pour nous, il s’agit d’abord d’augmenter la capacité du port sans toucher aux infrastructures. Nous sommes en train de réaliser un abri papier et un terminal roulier (marchandises chargées sur remorque). Comme nous avons acquis un terrain à Aboudaou pour réaliser un centre logistique qui va aider nos opérateurs à éviter les surestaries sur les conteneurs. Enfin, il y a le grand projet du port : le plan de développement du côté de Bougie plage.
Un mot sur le terminal passager ?
ll A l’origine, il y a un problème d’affaissement des quais 6 et 7. En 2006, la Direction des travaux publics a réussi à inscrire un projet de confortement en partie. Il est vrai que nous allons avoir des désagréments pour la saison 2007. Pour réduire la durée des escales nous avons prévu, avec le concours de tous, la multiplication des postes de contrôle…
D’autres contraintes ?
ll Oui et de toute première importance.Il s’agit de l’autoroute Est-Ouest et de sa pénétrante à partir de Béjaia. Au rythme où se développe le port, si la bretelle n’est pas réalisée, la wilaya et son port, dans trois ou quatre ans ne pourront plus se développer et ne verront plus l’investisseur venir placer des fonds à Béjaia. L’autoroute va relier, ne l’oublions pas, le port de Djendjen à ceux de Skikda et d’Annaba. Nous risquons une asphyxie pure et simple.
Entretien réalisé par Mustapha Ramdani