Le verdict des 104 personnes accusées dans le procès marathonien de l’affaire Khalifa sera rendu le 21 mars prochain. Durant plus de deux mois de débats, tous les regards étaient braqués sur le tribunal criminel de Blida où se déroulaient les péripéties d’un procès pas comme les autres. Même la vie politique a été suspendue aux échos qui provenaient de la ville des Roses. Et pour cause, un ballet incessant, notamment d’anciens et actuels ministres de la République a été cité comme des témoins. Du jamais vu dans les annales de la justice algérienne. Au début des audiences, l’espoir de voir la vérité éclater sur les tenants et les aboutissants, au demeurent énigmatiques, de la banqueroute de l’empire financier de Moumen Khalifa, actuellement en cavale en Grande-Bretagne depuis 2003, était permis particulièrement avec la volonté quotidiennement ressassé par Me Brahimi de faire triompher la justice et la vérité. Un long chemin a été fait depuis le 8 janvier, date du début du procès, et beaucoup de choses ont été dites et écrites. Des zones d’ombres n’ont pas été jusque-la dissipées et des interrogations lancinantes cherchent désespérément des réponses. Si durant les débats, la présidente du tribunal s’est évertué à maintes reprises à se conformer à l’arrêt de renvoi dans le strict respect de la procédure, les avocats de la défense à l’instar des Bourayou, Aït Larbi, Brahimi ont réussi, dans leurs plaidoiries, à décortiquer les flagrantes entorses à l’esprit de la loi que comporte l’arrêt de renvoi, qualifié non seulement de «cadeau empoisonné» mais voire d’un texte qui avait subi un « lifting et un rinçage » des noms de hautes personnalités au sommet de l’Etat impliquées. Même la Cour suprême, haute instance judiciaire du pays, est devenu le réceptacle de la colère des avocats. Ils l’accusent crûment d’avoir agi dans «la clandestinité » pour avoir fait le transfert de l’arrêt de renvoi vers la cour de Blida au moment où ils étaient invité à formuler leurs mémoires dans la perspective de déposer les pourvois de cassation. La rue algérienne, échaudée par les impairs d’une justice souvent aux ordres, se demande, inquiète, qui a intérêt à épargner certaines personnes et sacrifier, au nom de la justice, des lampistes. Secret de polichinelle chez les petites gens. Un avocat émérite, Mokrane Ait Larbi, pour ne pas le citer, a fait un diagnostic sans appel : «des groupes d’intérêt ont utilisé Moumen Khalifa pour rester au pouvoir». Cette implication des cercles occultes suppose, à n’en pas douter, que de hauts responsables tapis dans l’ombre, ceux-la même qui ont «nettoyé» l’arrêt de renvoi, tiraient les ficelles. Une autre avocate affirme avec justesse que l’opinion publique «murmure des noms» que le tribunal n’a pas osé citer. Soutenir que ces hautes personnalités (intouchables ?) qui devaient figurer dans l’arrêt de renvoi, n’ont pas « mangé » dans les mains bénies de Moumen Khalifa, équivaudrait à faire passer des vessies pour des lanternes. Par ailleurs, le mea culpa de Sidi Said, patron de la Centrale syndicale, résumé dans son «j’assume» pour avoir transmis un faux document au ministère du Travail et de la Sécurité sociale constitue une bombe à retardement auprès de la justice algérienne. Sera-t-il inquiété pour son geste maladroit qui a fait perdre des milliards de centimes aux assurés sociaux algériens ? Des avocats affirmaient que plus le responsable incriminé s’éloigne dans l’échelle des allégeances envers le pouvoir, plus sa malchance de voir le cachot est grande. C’est cette justice qui porte comme un fardeau la qualification d’une instance «à double vitesse» et de «deux poids deux mesures» et qui a été brocardée durant les plaidoiries des avocats de la défense. Ayant compris les tares et les errements d’une justice fortement décriée, Mme Brahimi a fait la promesse de rendre un «jugement clément » à l’encontre des 104 accusés.
Hocine Lamriben
